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    NDD#88 DOSSIER La danse, un sport comme un autre?

    Kanti © Fred Lataste

    Dossier coordonné par Alexia Psarolis

    L’entrée du breaking aux Jeux Olympiques d’été de Paris 2024 suscite de nombreuses questions. Issue du hip hop, comment cette danse est-elle passer de la rue au stade ? Que partagent la danse et le sport ? Comment dialoguent ces deux disciplines ? Éléments de réponses d’artistes et de théoriciens, qui apportent ici leur éclairage.

    « Nous sommes des athlètes et des artistes », c’est ce que revendiquent breakeuses et breakeurs à la veille des Jeux Olympiques d’été de Paris 2024, où la discipline est introduite cette année. La tension entre la danse et le sport n’est pas nouvelle et puise sans doute son origine à l’école, où la transmission de la danse se rattache traditionnellement au cours d’éducation physique et sportive ou, de façon optionnelle, au cours d’éducation artistique (si l’on excepte les projets spécifiques d’art à l’école). Échauffement ou entraînement, dépassement de soi ou expression de sentiments, si la danse et le sport gardent leurs spécificités, les deux disciplines se rejoignent dans ce qu’elles partagent indubitablement : le corps en mouvement. Le breaking (ou breakdance), à l’exacte jonction des deux, revêt une dimension sportive dans la compétition, l’entraînement, la technicité des mouvements, au travers desquels une personnalité se discerne, une présence s’exprime avec force et créativité. Passé de la rue à la scène, et du plateau au stade, le breaking, issu de la culture hip-hop, est le fruit de ce dialogue entre une pratique sportive et une discipline artistique. La taxinomie importe peu, « tant que l’on conserve les racines du break », affirme le Canadien B-Boy Wizard. Pour Kanti, qui revendique également ces deux casquettes, le break est « inclassable, à la fois art, divertissement, sport ou tout à la fois1 ».

    Si l’introduction du breaking aux JO, cette danse aux 30 millions de pratiquants dans le monde2, est motivée, officiellement, par la volonté de rajeunir l’audience, côté coulisses serait-ce une volonté politique de cohésion sociale au sein d’un pays fracturé et qui peine à rassembler ses quartiers ? Quelles qu’en soient les raisons souterraines, ce puissant coup de projecteur sur une danse urbaine ne peut que lui profiter, c’est l’avis majoritairement partagé par les danseurs et danseuses-athlètes que nous avons pu interroger.

    La nomination de la danseuse et chorégraphe Dominique Hervieu, ancienne directrice de la Biennale de Lyon, comme directrice culturelle des JO 2024 n’est-elle pas, elle aussi, le symbole de cette alliance entre danse et sport ? Un mariage que célèbrent les cérémonies d’ouverture et/ou de clôture des Jeux Olympiques, telle celle, historique, de Mary Wigman pour les Jeux de Berlin en 1936, de Dimitris Papaioannou aux JO d’Athènes 2004, d’Akram Khan à Londres en 2012… comme autant de mises en corps poétiques et de récits politiques d’un pays sur lequel, tous les quatre ans, se braquent les yeux du monde.

    Détourner le geste sportif, c’est ce que font certains artistes chorégraphiques, d’hier et d’aujourd’hui, de Patricia Kuypers, chorégraphe d’Elles s’en foot (1985), à la compagnie Tumbleweed (2023). Si la performance physique atteint son paroxysme dans les compétitions sportives, elle n’est pas absente des plateaux où les artistes chorégraphiques font montre d’endurance dans leurs courses effrénées, leurs hautes voltiges ou leurs tournoiements, parfois jusqu’à l’épuisement… Le sculpteur et chorégraphe Pierre Larauza nous rappelle, dans son article, l’origine latine du verbe sauter, saltare qui signifie danser. Inspiré par les sauts transgressifs de la patineuse Surya Bonaly aux JO de Nagano en 1998 et celui de l’athlète Dick Fosbury à Mexico, en 1968, l’artiste les revisite sous forme de « sculpture documentaire » et de performance. De l’art, du sport et de la sueur, c’est ce que promet ce dossier qui révèle les frontières poreuses entre les deux disciplines… pour qui en douterait encore. •

    1 Kanti expose ses traces de mouvements à Spot 24, l’exposition olympique qui réunit sport et cultures urbaines. À Paris, jusqu’au 31/12/2024.
    https://www.kantikanti.com
    2 Source : Comité international olympique, 2023.
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