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    NDD#71 DOSSIER Pleins feux sur le Hip-Hop !

    Tremplin hip-hop © Drew Graham

    Dossier coordonné par Alexia Psarolis

    Breakdance, popping, locking, voguing, krump, danses debout, danses au sol… Plonger dans les danses urbaines, c’est, pour le néophyte, découvrir une variété de styles et de subtilités ; c’est aussi prendre la mesure d’un mouvement en devenir où de nouvelles générations sont entrées en scène, au sens propre comme au figuré. Devant l’étendue de ce courant à la cartographie complexe, nous avons choisi de mettre le projecteur sur l’une de ces danses : le hip-hop, sans doute la plus connue… mais au fond, la connaît-on vraiment ?

    Né dans les ghettos new-yorkais au début des années 70, le hip-hop est arrivé en Belgique par le grand écran et la petite lucarne avec l’émission « H.I.P. H.O.P. » animée par Sidney sur TF1, alors suivie par des milliers de jeunes. Des années 80 à aujourd’hui, de l’espace public à la scène, le hip-hop reste, sur notre territoire1, le parent pauvre de la danse, encore victime de nombreux clichés et toujours en quête de légitimité. Acteur incontournable, Alain Lapiower, qui a dirigé pendant 17 ans l’association Lezarts urbains œuvrant au déploiement des cultures urbaines, porte un regard éclairant sur l’émergence et le développement de ce mouvement en Belgique. Son esthétique, ses valeurs et ses crews… il en dresse le paysage, ses nombreux bouleversements tout en dénonçant le manque de soutien politique ainsi que la frustration qui a fini par gagner une partie des danseurs. Au regard de nos voisins français ou hollandais, la Belgique fait pâle figure en termes de soutien ainsi que de diffusion, et récolte unanimement cette appréciation trop bien connue : peut mieux faire. De l’autre côté de la frontière, si la danse hip-hop bénéficie déjà d’une reconnaissance, celle-ci pose question(s). C’est la thèse défendue par le sociologue français Hugues Bazin qui souligne les conséquences de l’assimilation institutionnelle. Emblème de cette reconnaissance, Mourad Merzouki, directeur du CCN de Créteil et du Val-de-Marne et chorégraphe de la compagnie Käfig, dans l’entretien qu’il nous a accordé, invite les artistes « à prendre des risques, à essayer des croisements esthétiques », afin d’éviter que le hip-hop ne s’essouffle. Et rappelle l’importance de la formation.

    Formation ? Revenons en Belgique. Carine Demange, coordonnatrice de « Hip-hop, du Tremplin à la Scène », évoque la naissance de ce cursus en 2009 – toujours considéré comme pilote à ce jour ! – sous l’impulsion de Jean-Claude Pambè Wayack. Le danseur français installé en Belgique avait identifié les manques : les danseurs hip-hop ne connaissaient pas leur corps, se trouvaient en manque d’outils tant techniques que scéniques. Un véritable tremplin dont témoignent Éliane Nsanze et Julien Carlier, issus de la première promotion de danseurs-chorégraphes, parvenus à développer un langage singulier au travers de créations qui le sont tout autant. Aux confins du hip-hop et de la danse contemporaine, ils dansent une forme hybride aux multiples influences, à l’image de leur parcours et de l’ouverture qu’ils revendiquent.

    Décrocher des dates et tourner constitue la dernière étape d’un long parcours… et non la plus aisée. Comment inciter les programmateurs à quitter leur zone de confort et leur posture frileuse ? Engagement et décloisonnement sont les mots d’ordre du Centre culturel Jacques Franck, lieu central et soutien indéfectible depuis l’émergence de ce courant. Fascinée par l’énergie de ces danses, Sandrine Mathevon, sa dynamique directrice, demeure intimement convaincue de leur richesse et de leur potentiel mais pointe également les nombreuses carences et le combat qu’il reste à mener pour les rendre visibles. Certains danseurs-chorégraphes hip-hop finissent par sortir timidement de l’anonymat et par se produire sur les scènes théâtrales… tandis que d’autres voient dans la dimension scénique la perte de ce qui fait l’identité de cette danse. Le hip-hop s’est-il enrichi, s’est-il dénaturé ? Le débat reste ouvert.

    En attendant la programmation prochaine en Belgique du Tour du monde des danses urbaines en dix villes, conférence dansée conçue par François Chaignaud, Cecilia Bengolea et Ana Pi, faisons un break. Laissons la parole aux spécialistes et rendons hommage à la ténacité des acteurs de terrain qui contribuent dans l’ombre à mettre cette danse en lumière. Pleins feux sur le hip-hop. • AP

    1 Dans ce dossier, il est uniquement question de la Belgique francophone, le cas de la Flandre étant différent.
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