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    NDD#84 DOSSIER La danse en jeux

    © Marc Costa – ImproK
    La danse en jeux. Seul ou à plusieurs, jeux de plateau, de rôles ou en ligne, la gamme ne cesse de s’étoffer avec, pour point commun, un cadre spatio-temporel et des consignes comme des balises, à suivre ou à détourner. La danse appréhendée comme un jeu… un phénomène loin d’être nouveau mais qui semble s’intensifier ces dernières années. En attestent les récentes publications de jeux et d’applications en ligne.

    « Si on jouait », « On disait que… », les enfants, principaux créateurs et utilisateurs, détiennent une faculté presque naturelle à passer d’un monde à l’autre, à franchir mentalement les frontières entre imagination et réalité, se laissant griser par l’inconnu. Le jeu, utilisé à des fins pédagogiques, devient éducatif. Les enseignants le savent bien, apprendre en jouant a démontré son efficacité ; l’activité ludique, outre le plaisir qu’elle procure, sert un objectif : celui de l’apprentissage ou de l’initiation à une pratique. à l’école, en éducation physique, en psychomotricité ou en ateliers corporels, les jeux permettent de désinhiber et d’entrer plus facilement dans la danse. Le jeu en danse représente un outil intéressant dans le cadre d’activités de médiation pour mobiliser le corps, travailler sa conscience corporelle et développer sa créativité. Cartes à danser Tarabiscoté.es conçues par Claire Bournet, qui vient de paraître, ou encore ImproK, le jeu de cartes développé par la danseuse Justine Marouzé, offre de multiples possibilités. Cette dernière nous en parle dans l’entretien qu’elle nous a accordé.

    Cette approche ludique et sensible de l’art chorégraphique n’est pas uniquement réservée aux enfants, elle permet de toucher de nombreux publics, jeunes et adultes néophytes. L’application Si t’y danses, conçue par Anne Golaz avec la collaboration de Florence Corin, propose une balade au cœur de Bruxelles et nous plonge avec légèreté dans les moments qui ont marqué l’histoire de la danse.

    Des jeux pédagogiques aux « serious games », jouer est loin d’être une activité futile. La dimension polysémique du verbe « jouer » se déploie dans des expressions telles que « jouer une pièce », « jouer d’un instrument de musique ». La création chorégraphique peut, comme dans le cas de l’improvisation, reposer sur un principe ludique, qui intègre les notions de hasard et d’aléatoire. L’artiste étatsunien Mike Vargas a matérialisé 86 aspects de composition sous la forme d’un jeu de cartes. De son côté, le danseur et chorégraphe allemand Thomas Lehmen a mis au point une Boîte à outils Funktionen, un ensemble de cartes qui permet de développer des partitions, des tâches, des systèmes pour un groupe ou en individuel, selon toutes les modulations possibles. Sans oublier le jeu Touché (à paraître prochainement aux éditions Contredanse), une application vidéo de montage en temps réel imaginée par la danseuse et vidéaste étatsunienne Lisa Nelson, en collaboration avec Florence Corin et Baptiste Andrien/Contredanse. Une combinaison d’éléments chorégraphiques (stop and go, rapide et lent, répéter…) et de montage cinématographique, des actions, des transitions, des images superposées…

    Le Jeu de l’oie du spectacle vivant, c’est ce qu’a imaginé Julien Fournet pour donner aux spectateurs la possibilité d’appréhender corporellement les affres ressentis durant la création. L’artiste pratique cette forme d’art, où le ludique n’est qu’une façon de développer un point de vue critique et philosophique. Humour et auto-dérision signent une façon d’être au monde qu’il revendique, lui qui revient d’Avignon, où il a présenté avec succès sa nouvelle pièce, Ami·e·s, il faut faire une pause : le public, invité à bricoler en direct, parcourt le chemin de la pensée par le mouvement.

    Enfin, comment ne pas évoquer le jeu appartenant à la sphère du divertissement ? Le gaming, c’est cette activité purement ludique qui n’a de finalité que le plaisir. Les jeux vidéo très populaires tels que Just Dance ou Dance Central, c’est ce qu’a étudié de près Kiri Miller, professeure en Études américaines à l’université Brown (Rhode Island), où elle étudie les pratiques participatives, les médias interactifs, la musique populaire ou encore l’utilisation du virtuel dans la performance. Elle nous livre un décryptage du phénomène qu’elle a formalisé dans une publication récente, Playable Bodies. On l’aura compris, le jeu, derrière son apparente légèreté, le plaisir et l’humour qu’il suppose, révèle, en nous désinhibant, ce qu’il y a de plus précieux : notre humanité. •

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