NDD#68 « Écrire un texte comme une chorégraphie » | Entretien avec Michel Vincenot
Propos recueillis par Stéphanie Auberville
De directeur de théâtre, comment êtes-vous passé à l’écriture ?
Dans mon lieu, je ne programmais que de la danse, c’était une exclusivité. Pau est une ville assez bourgeoise, dans les années 1979-1980 les gens ne connaissaient que la danse classique. Ils sont venus découvrir cette danse-là, qui était pour eux complètement théorique, abstraite, inconnue et enfin tout ce que l’on peut dire sur la danse contemporaine. Au départ évidement, ils étaient désorientés, mais chose surprenante, les gens sont revenus et ont fait le fondement du public du théâtre. Petit à petit je me suis aperçu qu’il était important de travailler avec eux, non pas à regarder une pièce de danse comme un consommateur, en ne fonctionnant que sur le plaisir immédiat, mais de leur dire que la danse est là aussi pour questionner.
Mes textes étaient faits pour les chorégraphes
Alors, pourquoi j’ai écrit ? Pour deux raisons : d’abord, avec ma formation philosophique, il me semblait important d’écrire des choses qui rejoignaient des concepts fondamentaux de la philosophie, mais aussi je m’apercevais que je pouvais me questionner en tant qu’individu en regardant un spectacle et que la danse pouvait questionner notre monde d’aujourd’hui. Deuxièmement, je ne sais pas pourquoi mais il m’a semblé très important de restituer aux chorégraphes et aux danseurs un regard qui était le mien, et donc je le restituais sous forme de textes. Au début, mes textes n’étaient pas pensés pour faire de la vulgarisation sur la danse ; c’était un cadeau, un retour que j’offrais aux chorégraphes.
C’est en écrivant sur la danse que j’ai appris à la regarder
Je prenais des notes pendant le spectacle en me donnant comme seule consigne d’écrire ce que je voyais et ce que j’entendais, c’est tout. Je ne cherchais pas à interpréter. C’est après, en travaillant mes notes, que je m’apercevais que cela faisait appel à tel bonheur, à tel réjouissement, ou à tel questionnement. En écrivant sur la danse, je me suis aperçu tout de suite de la difficulté de ne pas expliquer les choses dans un déroulement. Je ne voulais absolument pas être descriptif, et ça ne m’intéressait pas. On ne peut pas regarder la danse comme on lit un texte. L’écriture littéraire a une structure linéaire : on commence par un commencement, puis on va jusqu’au bout, jusqu’à une sorte d’aboutissement d’un récit. Donc, une chose à laquelle je me suis heurté était de me dire qu’on ne pouvait pas écrire sur la danse comme on écrit un texte littéraire ; il faut écrire un texte sur la danse comme une chorégraphie s’écrit, c’est-à-dire dans les trois dimensions de l’espace, et avec les quatre fondamentaux de la danse : le temps, l’espace, le poids et le flux pour reprendre l’expression de Nicholaïs. •
Michel Vincenot a fondé le Théâtre de Saragosse à Pau, en France, dans les années 1979-1980. À sa retraite, il a ouvert un site qui compile ses écrits sur la danse.
Stéphanie Auberville est chorégraphe ; elle crée des projets à partir de rencontres. Son travail joue à transposer, confronter les espaces entre espace social et espace de représentation. Elle hybride sa danse avec une recherche sur les mots et les images.
Quelques sites et blogs
Les revues culturelles
espacesmagnetiques.fr
maculture.fr / delibere.fr
resmusica.com / toutelaculture.com
mouvement.net / inferno-magazine.com
Sites spécialisés en danse
dansercanalhistorique.com
chroniquesdedanse.com
Ballroom-revue.net
ladanse.com
michelvincenot.fr
Les blogs
En anglais, français et néerlandais : sarma.be
En néerlandais : e-tcetera.be, rektoverso.be
En français
lart-trose.blogspot.be / unsoirouunautre
theatredublog.unblog.fr
theatrorama.com (rubrique danse)
demandezleprogramme.be
cultureremains.com / plaisirdoffir.be