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    NDD#64 Revenir à l’essence | Rencontre avec Ayelen Parolin

    Ayelen Parolin Troupeau © Cédric Torne

    Des plumes, des pattes et des groins | La nudité animale n°2

    Propos recueillis par Alexia Psarolis

    La chorégraphe et danseuse argentine Ayelen Parolin, installée en Belgique depuis 2000, crée Troupeau en 2006 où elle traite de l’instinct, de la frontière ténue entre l’homme et l’animal.

    Sur scène, trois danseurs à quatre pattes, singeant des animaux, nus sous des peaux de moutons… une pièce qui « touche à ce que l’homme a de plus pulsionnel ; le désir/la violence, la violence du désir/le désir de violence ». En 2009, la chorégraphe récidive en signant SMS and Love. Elle y questionne l’intimité de l’amitié en métamorphosant les danseuses en poules. Le spectacle est empreint du même second degré, telle une marque de fabrique. « Je ne recherche pas l’humour, constate l’artiste, il est là. »

    L’homme à quatre pattes

    Pour Troupeau, la nudité ne s’est pas imposée à la chorégraphe. à la première à Paris, les danseurs portaient des sous-vêtements. « Mais je trouvais que le spectacle était trop naïf, explique Ayelen Parolin, je voulais que ce soit plus cru, plus naturel aussi, les animaux portent-ils des culottes ? Il est devenu évident que si l’on était des animaux, nous devions être nus. » L’origine du projet puise dans la volonté d’explorer l’animalité de l’homme. « Dans le chamanisme, poursuit l’artiste, les animaux ont des pouvoirs. Lors d’un festival, nous jouions à l’extérieur, dans les prés, et le public nous traitait réellement comme des moutons, sans aucun mépris, nous donnait à manger de l’herbe… Je ne pensais pas qu’il était possible d’accepter à ce point que nous soyons devenus des animaux. »  Lors d’une scène de Troupeau, le visage de la danseuse, dissimulé sous une peau de bête, ne devient plus que corps. « Je désirais montrer qu’une bête est également sexuelle. »

    « Un état mouton »

    Le recours à la figure animale ne vise pas à donner une vision dégradante de l’homme mais symbolise, à ses yeux, la simplicité, le naturel, les besoins primaires. Troupeau parle de la « domestication » de l’homme et de la place de la civilisation. « Les animaux ont des valeurs très basiques, tandis que l’être humain a tendance à se perdre… Nous avons à apprendre des animaux. »

    La nudité sur scène permet-elle de se dépasser, représente-t-elle un risque? « Je distingue le fait d’être nue et la mise à nu, être sans protection. Le fait d’être nue sur un plateau donne une force, je ne suis plus dans une esthétique sociale ; je deviens un personnage. Alors que je suis davantage exposée sur scène, je me sens paradoxalement plus protégée. Mon corps n’est plus social mais revient à son essence. » Dévoiler le corps donne une autre dimension. « Pour Troupeau, on était à la recherche d’un état mental, d’un « état mouton », de la pure physicalité. »

    Dans sa dernière pièce, Exotic world1, la chorégraphe s’engage dans une autre direction, tout en gardant ses thèmes de prédilection. Le propos se fait plus grave, on y parle streap-tease, féminité et maternité, le corps restant emprisonné dans une combinaison. Parler de nudité sans dévoiler son corps, une autre façon de toucher au cœur de l’intime… •

    1 co-créé avec Sarah Moon Howe pour le Festival XS au Théâtre National en mars 2015
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