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    NDD#80 – DOSSIER – Où va la danse ? – Extérieur, musées, cyberespace…

    Par Alexia Psarolis

    « Le plan plein air ». Voilà la nouvelle phase ainsi nommée par le gouvernement belge qui, à l’approche du printemps, recommande vivement les activités à l’extérieur. Exit les lieux confinés, vive les grands espaces ! À l’heure où la danse reprend peu à peu son souffle, son énergie tentaculaire s’immisce dans tous les interstices possibles. Nature ou ville, parcs ou rues, vitrines ou musées (restés ouverts en Belgique), jusqu’aux profondeurs du cyberespace, le mouvement ne s’est pas laissé enfermer. Et aucun comité de concertation n’a réussi à (totalement) bâillonner le corps.

    De la black box du théâtre au white cube du musée, du dedans vers le dehors, n’est-ce pas à la création chorégraphique de révéler d’autres spatialités ?, s’interroge Alix de Morant, maîtresse de conférences à l’université Paul-Valéry de Montpellier et auteure de l’essai Extérieur danse, co-écrit avec Sylvie Clidière. À l’expérience intérieure suscitée par le premier confinement a succédé l’expérience extérieure drainant son lot de mobilisations et ses îlots de résistance. En milieu urbain, le parc invite sur ses pelouses, de façon hospitalière, entraînements et répétitions.

    La vi(ll)e recèle d’ « espèces d’espaces », pour reprendre le titre de Georges Perec, qui ne demandent qu’à s’animer, au sens étymologique, à être ravivés. « Le problème n’est pas d’inventer l’espace, encore moins de le réinventer (trop de gens bien intentionnés sont là aujourd’hui pour penser notre environnement…), mais de l’interroger » écrit Perec. Et c’est bien ce projet dont s’emparent les artistes. « Chaque extérieur a son identité. L’espace public est intéressant quand il est utilisé pour ce qu’il est », affirme la danseuse et chorégraphe Lisa Da Boit, de la compagnie Giolisu. Vitrines de bars et de restaurants investies de performances circassiennes conçues par l’Espace Catastrophe, espace urbain où, prochainement, se déploiera le festival Trouble, dont cette édition particulière sera placée sous le signe du « care ». Quant aux musées dont les portes restent toujours ouvertes, ils continuent d’offrir un grand bol d’air artistique, en résonance avec l’actualité. L’Université Libre de Bruxelles vient d’ailleurs d’ouvrir le « Musée temporaire du confinement », un musée évolutif qui présente des témoignages d’étudiants sous diverses formes artistiques.

    Cependant, la danse n’a pas attendu cette pandémie pour pénétrer l’espace muséal où la rencontre entre corps vivant et œuvre plastique prend des contours singuliers. Le dialogue éphémère entre les deux arts génère une expérience hybride auprès du spectateur. C’est ce travail que développent depuis quelques années l’artiste visuel Pierre Larauza et sa comparse, la chorégraphe Emmanuelle Vincent, le binôme  de  t.r.a.n.s.i.t.s.c.a.p.e, auquel le Centre culturel Jacques Franck, à Bruxelles, consacre un focus avec, notamment, une exposition, Vos murs ne nous empêcheront pas. Un titre prémonitoire aux allures de manifeste pour questionner les pratiques muséales et chorégraphiques, voire pour les transgresser.

    Aux côtés de l’espace public et du musée, il faut désormais compter le cyberespace, devenu un espace alternatif où la danse a su trouver refuge. Les plateformes numériques proposent au public une offre riche et variée qui s’est étoffée par la création de deux chaînes télévisuelles éphémères : Podium 19 en Belgique et Culturebox en France. Le petit écran, média populaire par excellence, fait son comeback dans une volonté de toucher toujours plus de public et d’offrir aux artistes la visibilité dont ils sont privés… avec un modèle économique qui se cherche encore.

    Avant de retrouver le chemin des plateaux, la danse au temps du coronavirus sera peut-être parvenue à conquérir de nouveaux publics – passants, internautes ou téléspectateurs – et à maintenir le lien. La crise laissera cependant ses stigmates sur un secteur qui peine encore et toujours, au plan politique, à prouver sa légitimité. • 

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