Bookshop
  • Français
  • English
  • Nouvelles de danse

    NDD#65 Osthéopathie : quels bienfaits ? | Entretien avec Eric Rampelbergh

    Propos recueillis par Naomi Monson

    Fort de ses vingt-cinq années d’expérience, Eric Rampelbergh est – avec une patientèle composée à plus de cinquante pour cent de danseurs et acrobates – une référence que les danseurs s’échangent aujourd’hui de bouche à oreille.
    Quel parcours vous a-t-il amené à vous intéresser spécifiquement au corps du danseur ?

    Mon parcours englobe différents aspects : après mon cursus de kinésithérapie et de médecine du sport, j’ai suivi cinq années d’ostéopathie. Aussi, au long de mes vingt-cinq années de pratique, je n’ai pas arrêté d’apprendre via des formations continues (radiologie, traumatologie…). À cela s’ajoute mon intérêt personnel pour la danse : c’est en soignant des danseurs de Mudra lors de ma formation que ceci m’est apparu comme une évidence. Je cultive un réel amour de la danse, je vais voir beaucoup les danseurs en spectacle, ainsi je sais exactement ce qu’ils font. En fonction des compagnies, on observe un vocabulaire du geste bien précis. J’interviens aussi sur la prévention, je les conseille pour tel et tel mouvement. Il y a un véritable dialogue entre danseur et ostéopathe qui s’installe.

    Quelles différences de blessures observez-vous entres les danseurs contemporains et les danseurs classiques ?

    En danse classique, on observe des blessures plus ciblées qu’en contemporain. Elles sont par exemple liées à un surmenage mécanique ou causées par des mouvements extrêmes de souplesse. Les blessures sont localisées aux pieds, aux hanches… Les problèmes dégénératifs sont fréquents. Quant au contemporain, on observe plutôt des différences de pathologies en fonction de la compagnie d’où l’on vient, elles sont liées au type de travail du chorégraphe. Par exemple, les lésions seront différentes entre Rosas et Ultima Vez. Ceci n’est pas forcément lié au fait que le chorégraphe ne soit pas attentif à ses danseurs, il y a aussi le fait que les danseurs se donnent « à fond »…

    Dans quel cas l’ostéopathie est-elle préférée à la kinésithérapie ? Quelles sont les différences ?

    Les approches sont très différentes. La kinésithérapie concerne le plus souvent les rééducations après opération. L’ostéopathie, quant à elle, traite la cause du problème, la cause primaire et les compensations au fil du temps. Il s’agit plus d’une logique de traumatologie, comme en médecine du sport. Quand on soigne un danseur, on soigne d’abord un être humain avec toute sa complexité : cette personne qui présente tel ou tel traumatisme a aussi tout un passé (contraintes mécaniques, stress, émotions…). L’avantage de l’ostéopathie est qu’elle prend cela en compte, elle permet un travail spécifique et en même temps global, au cas par cas.

    Les danseurs sont-ils suffisamment avertis des risques de leur pratique ? Ou faudrait-il développer un volet préventif plus important, qui serait intégré à leur formation ?

    Il est complexe de parler de prévention en danse contemporaine… Contrairement aux danseurs classiques, les danseurs contemporains viennent de tous les horizons (danse classique, cirque, sport, voire même aucune formation spécifique). P.A.R.T.S. fait un bon travail, même si ça reste perfectible. Les problèmes issus du milieu classique sont liés à un dépassement des limites, des pointes trop tôt, des problèmes liés aux mouvements qui sollicitent énormément la rotation extérieure des hanches. Le danseur aurait besoin d’un cours d’anatomie fonctionnelle, où il peut sentir et comprendre le travail de chacun de ses muscles. Sur ce point-là, il est possible de faire des progrès. Au sein des compagnies, on pourrait aller plus loin dans la prévention : par exemple en apprenant aux danseurs à être autonomes pour le « strapping1 » pour gérer l’instabilité de la cheville, à effectuer un meilleur travail de proprioception, à mieux cibler les mouvements de stretching…

    Selon vous, un encadrement médical plus solide ou une forme de « coaching du danseur » serait-il approprié ?

    Un meilleur encadrement pourrait se développer mais il faut faire attention sur ce point-là : les danseurs sont très indépendants. Quant à l’idée de coaching, c’est vrai qu’elle n’est pas forcément adaptée au danseur. Par contre, sur le plan psychologique, elle pourrait avoir un certain intérêt. Si certains danseurs sont sensibles à la moindre douleur, d’autres supportent tout et préfèrent avoir mal que de démériter… De ce point de vue, le coaching peut aider. Je me sens proche des danseurs par ma pratique de l’escalade de haut niveau : on peut toujours faire mieux. Il y a cette dimension de l’inaccessible et le fait que les seules limites sont celles qu’on se donne… •

    1 La manière de mettre un bandage de maintien
    0

    Le Panier est vide