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    Alexia Psarolis

    Le pari de la mémoire durable

    Livres Tous les articles Mars 18, 2024
    Hanna Voos entourée des membres du Ballet de Wallonie, 1966, in Ballets en Wallonie vol. 1

    Comment s’écrit l’histoire ? Qu’en retenir ? L’histoire n’est-elle pas toujours une histoire, un angle, immanquablement une vue située ? Ces questions préexistent toujours à un projet qui vise à embrasser les mouvements d’une époque, d’une société, d’une discipline. Historiens, sociologues ou journalistes, dans leur travail de mémoire et de restitution, se confrontent inévitablement à ces interrogations. Et, pour sa nouvelle publication, l’association Contredanse a fait de même.


    Garder trace

    Retracer un siècle de danse en Belgique est le défi auquel se sont attelées les éditions Contredanse. Depuis sa naissance, en 1984, l’association bruxelloise s’est donné pour mission de préserver la mémoire de la danse en Belgique où photographies, articles de presse, programmes de saison et autres documents sont archivés dans son centre de documentation. Ni sociologue ni historienne, c’est en tant que conservatrice et actrice de premier rang que Contredanse s’est lancée dans ce projet, elle qui a assisté au modelage progressif du paysage chorégraphique belge, y contribuant activement par l’invitation, en Belgique, de chorégraphes encore méconnus, en révélant des textes fondateurs (tel celui de Schirren, le « maître » du rythme, sur l’histoire de Mudra, la célèbre école fondée par Maurice Béjart…), ou, encore, en publiant le journal Nouvelles de Danse, témoin fidèle de la création chorégraphique belge.


    De 1923 à aujourd’hui, quelles évolutions ont marqué le champ chorégraphique durant un siècle et comment en garder trace ? Dans sa postface à 20 ans de danse en Communauté française, Jean-Philippe Van Aelbrouck1 écrivait ces mots, qui résonnent toujours : « De la “première” génération de chorégraphes à celle qui se dessine aujourd’hui, de l’aventure précaire et éphémère des Bouches Bées aux contrats-programmes, de l’expérience audacieuse d’Archipel-Sud au Centre chorégraphique Charleroi/Danses, notre scène n’a pas manqué de surprises ni de découvertes exaltantes. […] Que de pièces chorégraphiques montées avec les moyens du bord, dans une cave ou un grenier, avec pour seule lumière la flamme d’un public avide de renouveau ! Il a fallu que chaque danseur, chaque chorégraphe invente sa place dans ce pays, construise son univers et sa légitimité. Il a fallu que les responsables culturels apprivoisent ce nouveau langage, parlé par des êtres muets mus par la seule détermination d’exister. […] Mais ce qu’ils ont bâti reste fragile, car ciselé dans la chair et le corps, façonné par la volonté et la foi en l’avenir. Pas de matière qui défie le temps, pas d’œuvre accrochée aux cimaises de l’histoire : juste la conscience de dire juste et vrai. Aujourd’hui, il faut cependant relever le défi de l’Histoire, faire le pari de la mémoire durable. Chaque chorégraphe a le devoir de se poser la question : “Que restera-t-il de ce que j’ai donné de moi-même dans dix ans, dans vingt ans, dans cent ans ?” »

    Le projet de Danser, une histoire est sous-tendu par une double intention : résister à l’oubli et éclairer le présent des lumières du passé.

    Paysage mouvant

    Alors que reste-t-il du siècle écoulé ? Cette question a motivé Contredanse à se lancer dans ce pari difficile de « la mémoire durable », pour embrasser les soubresauts d’une histoire vivante, d’y inscrire les pas établis comme ceux émergents. Cet ouvrage polyphonique (écrit à six mains) brosse, chronologiquement, les prémices de la danse moderne, les incontournables années Béjart, les quatre générations successives de chorégraphes, les années 2000 à aujourd’hui où la création révèle, au plateau, des esthétiques hybrides, et s’imprègne des « nouveaux » combats sociétaux tels que le féminisme, la justice sociale et climatique, le décolonialisme, l’antiracisme. Et le paysage serait bien incomplet sans l’évocation du mouvement hip-hop et des cultures street, leur glissement de la rue à la scène, ainsi que l’ascension de la danse Jeune public.


    Diffusion, formation, enseignement, rôle de Charleroi danse – Centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles – forment les pôles d’un écosystème qui ne saurait s’envisager sans l’étude des politiques de la danse. Car l’évolution des budgets alloués contribue à façonner des esthétiques et, ce faisant, à (re)dessiner le paysage chorégraphique.


    Pourquoi se souvenir ? « Il ne s’agit pas seulement de laisser une trace à tout prix : il faut que l’acte créateur résiste aux assauts du temps, aux déferlements de la mode, aux flots de l’histoire, à toutes ces érosions qui balaient indistinctement la belle ouvrage et le chef-d’œuvre incompris2. » Le projet de Danser, une histoire est sous-tendu par une double intention : résister à l’oubli et éclairer le présent des lumières du passé. Un témoignage pour garder l’empreinte tangible d’un art volatil, pour retenir ce qui fut, ce qui reste, ce qui émerge, à l’écoute des mouvements des corps et du monde. Un livre comme dépositaire d’une mémoire séculaire, ouvert sur d’autres chapitres qui restent à danser, à écrire et à lire.

    1 In 20 ANS DE DANSE (1975-1995) par Béatrice Menet, éditions Contredanse, 1998. Jean-Philippe Van Aelbrouck a travaillé durant de nombreuses années au ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles au service de la Culture et a grandement participé à développer le secteur de la danse en Belgique.
    2 Ibid.

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