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    Alexia Psarolis

    Le Guide du retour, des outils pour dire, agir et réfléchir – Entretien avec Vanessa Vallée

    Regards croisés Tous les articles Mars 21, 2024
    © Boris Radermecker

    Coécrit par Stéphane Gornikowski et Vanessa Vallée, Le Guide du retour vise à accompagner les processus artistiques par le dialogue. Issu du projet REACT – pour REmettre l’Art au Centre du Travail –, il constitue une (première) porte d’entrée pour questionner la relation sensible entre artistes et lieux de programmation, en rassemblant des outils pratiques et des réflexions pour échanger de façon constructive. Utiliser les techniques de feed-back/retour sur le travail artistique pour passer «d’une situation vécue comme un problème, parfois source de stress voire de violence, à une situation motivante, ressource professionnelle pour l’amélioration du travail et des relations au travail». Une boîte à outils plutôt qu’une recette, un guide pour dire, agir et réfléchir.

    Qu’est-ce qui a motivé la rédaction du Guide du retour ? Est-il né de l’observation de manques ?

    Je travaillais les questions du retour et de la critique constructive depuis plusieurs années. J’ai longtemps accompagné des artistes et me suis rendu compte que cette question des retours était un impensé, qui mettait en fragilité les créateurs et les créatrices. Le dialogue et la mise en place de protocoles pouvaient alléger cet endroit de violence. L’idée est venue de construire des outils à partir de ces constats. Stéphane, de son côté, a réalisé une enquête nommée REACT, en menant 80 entretiens avec des structures, des directeurs, des directrices, des équipes artistiques. En prenant comme un axe l’amélioration des conditions de travail, Stéphane devait produire, initialement, un livrable pour sa recherche-action dont Le Guide du retour est une sorte d’extension pratique. Nous souhaitions le rendre disponible gratuitement à une large communauté.

    Quelle distinction opérer entre accompagnement dramaturgique, regard dramaturgique et regard extérieur ?


    Il s’agit de trois postures un peu différentes. Le regard dramaturgique est la posture dans laquelle j’invite les personnes à se placer, notamment les programmateurs et les programmatrices, en vue d’essayer de les faire sortir d’un rôle programmatique, lié à l’achat d’un spectacle. Il s’agit de regarder un projet du point de vue de la critique constructive, de le faire évoluer en le nourrissant par son regard. L’accompagnement dramaturgique, selon moi, est un rôle plus actif d’accompagnement des artistes, mobilisant toute une boîte à outils pour tenter d’aller à l’endroit le plus proche du ou de la porteuse de projet. En fonction des besoins de la création, on peut nourrir le travail par différents regards, par exemple, le regard extérieur, lui, est un regard plus sporadique. La question du regard se situe dans la temporalité et la distance.

    Dans le guide, il est fait mention d’un safe space au Beursschouwburg, un espace clos et sécure. Quels sont ses bienfaits pour les artistes et le public ?

    Cet endroit est un sas qui n’est ni la rue ni le théâtre, c’est un espace à la lumière tamisée où tu peux t’asseoir dans des poufs et boire une tisane. Comme une invitation à ralentir. Ce lieu représente une espèce de « sas de décontamination » du reste de ta journée, et, pour les artistes, un endroit calme éloigné du bar pour se retrouver après le spectacle, se rencontrer autour des retours, les contextualiser dans un espace dédié. Je le relie au travail de la réception, de la mise en condition pour recevoir. Cet espace dans le théâtre, mais qui n’est pas tout à fait le théâtre, destiné au public comme aux artistes, permet de se reposer, de ralentir, de sortir d’une logique plus mercantile. Inventer de nouvelles modalités de dialogue est, à mon sens, essentiel.

    À tous les niveaux, tout le monde est amené à produire des retours et a donc besoin d’être formé, d’avoir des clés pour mieux travailler.

    De quelle façon relies-tu tes observations, ta pratique avec la qualité de vie au travail dans le cadre artistique avec la question du feed-back ?


    Le cadre n’est pas circonscrit à l’artistique. Ces techniques peuvent être mobilisées en contexte pédagogique ou avec des personnes qui ne sont pas des professionnels. Il s’agit d’un espace de créativité, d’un outil au service de nombreux domaines. La directrice du Théâtre universitaire de Nantes m’avait invitée à une journée autour du feed-back pour son équipe, tous personnels confondus. Nous avons travaillé à partir du protocole DasArts et cela a transformé leurs pratiques de travail. L’équipe s’est ensuite émancipée, puis a développé sa méthode avec ses propres outils, a protocolé son accueil avec les artistes dans le cadre des résidences, etc. Ces outils permettent d’élargir le dialogue au sein des équipes dans les théâtres puisqu’à tous les niveaux, tout le monde est amené à produire des retours et a donc besoin d’être formé, d’avoir des clés pour mieux travailler. Cela a une incidence sur la qualité de travail et la santé mentale.


    J’ai également mené des ateliers sur le regard avec un certain nombre de protocoles et de cadres sécures pour permettre à chacun de s’exprimer. Cela touche à la légitimité, un point important du feed-back. Beaucoup n’osent pas prendre la parole depuis leur point de vue situé, d’autres prennent trop de place. Comment faciliter des espaces pour que les personnes puissent s’émanciper de leur propre regard ?

    Quel est le jeu des Cartes du retour ? De quoi s’agit-il ?


    Chloé Déchery et Marion Boudier, les créatrices du jeu, sont deux universitaires qui développent un programme de recherche intitulé « Performer les savoirs ». Ce jeu pourra augmenter le guide de façon ludique et performative et être activé dans différents contextes de réception, tels qu’un bord de scène, un premier filage, un atelier de spectateurs, une sortie de résidence…


    En tant qu’artiste, tu ne sais pas si ton adresse correspond. Tu obtiens des retours, mais, souvent, de façon indirecte. Fabriquer des temporalités de retour permet de récupérer à la fois du matériau et de tisser de la relation, ce qui est très important. Le jeu est un prétexte pour ouvrir un dialogue, comme les amorces narratives proposées dans le Guide du retour.

    Le jeu des Cartes du Retour, élaboré par Marion Boudier et Chloé Déchery – Performer les savoirs – en collaboration avec l’artiste-chercheur Éric Valette et le graphiste Jean-Claude Chianale, avec le soutien de l’EUR ArTeC et de Vaguement Compétitifs.


    Disponible en version coffret à l’été 2025. Les Cartes du Retour visent à stimuler et à faciliter les échanges après un spectacle, que celui-ci soit abouti ou en cours de création, présenté dans son intégralité, sous la forme d’un fragment ou d’un work-in-progress, face à un public averti ou non. Réparties en 10 decks, les cartes sont des incitations à formuler et à partager des ressentis, des questions critiques ou des suggestions de manière généreuse et constructive pour l’œuvre et ses producteurs, productrices. Chaque carte engage des modalités de participation et de retour particulières, individuelles ou collectives, verbales, dessinées ou performées, situées ou décalées.

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