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    NDD#74 DOSSIER Les créateurs de l’ombre. Focus #3 : le son

    Photo of the Six Brandenburg Concertos, choreography by Anne Teresa De Keersmaeker, with he company Rosas, performing at the Park Avenue Armory on September 30, 2018 with the B’Rock Orchestra. Photo Credit: Stephanie Berger.

    Coordonné par Alexia Psarolis

    Scénographes, dramaturges, costumiers, créateurs sonores ou lumière… ces artistes de l’ombre œuvrent à l’abri des projecteurs. En quoi consiste leur travail ? Levons le voile sur ce qui se trame dans les coulisses de la création.

    Silence pour « la maison des sons » de Pierre Henry. Le Monde du 30 octobre dernier annonçait la funeste nouvelle : le studio du compositeur français, décédé en 2017, allait fermer ses portes. Sans faire de bruit. Pierre Henry, considéré comme le père de la musique électro-acoustique, fut également celui qui collabora avec Maurice Béjart, notamment avec Messe pour un temps présent (1967), qui lui valut la reconnaissance d’un plus large public. Compositeur et chorégraphe, musique et danse… les deux disciplines ont révélé au cours du temps de célèbres tandems et continuent d’œuvrer main dans la main sur les plateaux.

    Notes, son, voix, souffle, mouvement corporel… autant d’éléments constituant la matière sonore, prêts à être manipulés, triturés, agencés. Des bruits de soufflerie ou de pas sur du gravier, tout est « musicalisable » selon Thomas Turine. Lui qui collabore depuis plusieurs années avec des chorégraphes, comment compose-t-il ? Comment dialogue-t-il avec la danse ? Musicien, DJ, producteur, créateur sonore, pour cet artiste autodidacte familier du spectacle vivant, son travail s’apparente à celui que mène le chorégraphe avec le danseur. Il avance, entre essais et improvisation, dans des registres aussi différents que les
    Miniatures de la compagnie Mossoux-Bonté ou Atomic 3001 de Leslie Mannès, dont le corps se meut au rythme des beats techno, jusqu’à la transe.

    Trop-plein sonore, des décibels au plus haut niveau, du son jusqu’à saturation… La tendance, reconnaissons-le, n’est pas au silence. Des bouchons d’oreilles se voient même parfois distribués à l’entrée des salles. Une réponse à notre légendaire peur du vide ? À force de (trop) solliciter notre ouïe, la danse ne prend-t-elle pas le risque de devenir inaudible ? D’écoute et de silence, c’est ce dont nous parle Daniel Deshays, réalisateur sonore pour le spectacle vivant et le cinéma, professeur des universités, qui vient de publier son troisième essai, Sous l’avidité de mon oreille (éd. Klincksieck). Lui qui interroge depuis plus de 40 ans l’écriture du son nous livre quelques-unes de ses réflexions. « Si le silence est le sédiment des évanouissements, il est tout autant le terreau des surgissements à venir. Il est même le “dangereux” appel à l’événement, un moteur qui, comme l’écoute, invite à prendre la parole. » Un silence dont il regrette la trop faible présence sur les plateaux de danse.

    Comment apprendre à écouter ? Brice Cannavo, créateur sonore et enseignant à l’INSAS, aborde la question de la formation et ce qu’il est essentiel, selon lui, de transmettre aux étudiants. « Enseigner l’écriture sonore (…), explique-t-il, c’est approcher la possibilité que cette matière au contact d’une autre (scénographique, lumineuse, parlée, corporelle…) puisse produire du sens, une sensation, une émotion. Émouvoir, au sens étymologique (e-mouvoir) de mettre en mouvement. » Il envisage le son comme un langage avec son esthétique et sa dramaturgie propres.

    Pourrons-nous « parler son » au terme de ce dossier ? Pas certain. L’entièreté d’un journal n’y suffirait pas : pour preuve, la longue bibliographie, – non exhaustive – qui referme cette fenêtre ouverte sur la création sonore. Envie d’en savoir plus ? La semaine du son se tiendra à Bruxelles du 26 janvier au 3 février… Nous sommes tout ouïe ! •

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