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    NDD#66 Danser, rire et faire réfléchir | L’univers de Maria Clara Villa-Lobos

    © Maria Clara Villa-Lobos Alex au pays des poubelles

    Propos recueillis par Alexia Psarolis

    Elle crée des spectacles pour adultes et pour enfants, et aime dénoncer les travers de notre société avec cet humour décalé qui lui est propre. Les enfants-spectateurs, la danse à l’école, les dérives du mode de vie occidental… Autant de thèmes que nous avons abordés avec la chorégraphe Maria Clara Villa-Lobos, une artiste engagée, dans le monde… et dans son nouveau projet, Alex au pays des poubelles, une création jeune public à découvrir en décembre prochain.
    Savoir à qui l’on s’adresse

    « Après mon spectacle XL, because size does matter (2000), la maison de production anversoise Villa Nella m’avait proposé de créer pour le jeune public. XS est né en 2002 ; puis en 2003, le théâtre de L’L m’a sollicitée dans le cadre du festival Danse en vol, pour lequel j’ai créé M, une pièce moyenne (2003) pour un public ado/adulte. À l’époque, je n’avais pas forcément envie de m’inscrire dans le réseau jeune public. Puis, il y a eu la pièce Têtes à têtes, un spectacle de danse et de théâtre visuel destiné au jeune public à partir de 4 ans. Je suis attirée par l’univers des enfants au niveau esthétique (les couleurs, les personnages, la fantaisie…). Jeune public ou non, mon travail comporte toujours un aspect ludique.

    Quand je décide de réaliser une pièce à destination du jeune public, je fais bien la distinction avec la création pour un public d’adultes. Il est important, selon moi, de savoir à qui l’on s’adresse, dans le choix des thèmes et surtout dans la façon de les traiter. Je propose une catégorie d’âge mais je me fie également à l’expérience du programmateur qui peut conseiller une autre tranche d’âge. Par exemple, Têtes à têtes était, au départ, destiné aux enfants à partir de 3 ans mais nous nous sommes rendu compte qu’en représentations scolaires cela ne fonctionnait pas : les petits avaient peur, ne parvenant pas à distinguer le vrai du faux. Nous avons donc modifié la classe d’âge et ouvert à partir de 4 ans. Si je crée une pièce jeune public, je considère que ce n’est justement pas un spectacle “tout public”, surtout quand il s’agit de tout-petits. Il s’agit d’une revendication personnelle, je n’ai aucun problème à voir un de mes spectacles catégorisé “jeune public”. Personnellement, je préfère que les choses soient claires. Je ne nie pas l’existence de pièces “tout public”, mais ce créneau me semble plus difficile ; j’admire ceux qui parviennent à s’y inscrire. »

    L’école, un bon vecteur pour faire connaître la danse

    « Suite à la première représentation de Têtes à têtes devant les enfants, nous avons ajusté beaucoup de choses : nous avons insisté pour que les instituteurs introduisent le spectacle en classe, nous avons raccourci certaines parties quand nous sentions un flottement dans la salle ou une forme d’inquiétude, il a fallu trouvé le bon rythme. Les petits sont très spontanés : s’ils aiment, on le sent tout de suite et le contraire également ! Quand 200 enfants sont dans la salle et que l’un d’eux se met à pleurer, on a peur de la contamination. Ils n’ont pas de barrières et sont hyper réactifs durant les représentations scolaires, où l’effet de groupe joue un rôle important, à la différence de la sortie en famille. Le travail d’accompagnement des instituteurs revêt toute son importance. L’école est un bon vecteur pour faire connaître la danse. Pour les tout-petits, le mouvement semble évident (via la psychomotricité notamment), mais, plus les enfants grandissent, plus il est difficile de les y amener. Je trouve cependant que les initiatives sont nombreuses en Belgique pour amener la danse à l’école, via le CDWEJ ou pierre de Lune, par exemple. En France, c’est encore plus développé, la danse s’inscrivant parmi des options.
    Quant à la pratique de la danse, elle permet à l’enfant de se sensibiliser à l’art chorégraphique. Les (très) jeunes fonctionnent beaucoup sur la familiarité : quand ils ont goûté à quelque chose et qu’ils ont aimé, ils en redemandent. Ils s’identifieront plus facilement à ce qui se passe sur scène après avoir pratiqué la danse ou même en ayant eu un autre lien avec la danse, pas forcément contemporaine. »

    Danser pour faire réfléchir

    « Je me pose toujours la question de l’utilité de ce que je fais. Mon envie artistique est toujours présente au départ mais j’ai besoin de dénoncer les travers de la société ; cette critique est pour moi un moteur. Ces deux aspects, artistique et plus “politique“, finissent par se rejoindre.  Le défi est de réaliser un spectacle intégrant cette donnée à destination du jeune public, comme c’est le cas avec mon prochain projet, Alex au pays des poubelles, qui traite des déchets et du recyclage. J’ai envie que mes spectacles soient porteurs d’un langage direct, que ce ne soit pas qu’une démarche esthétique, formelle ou abstraite. Il m’importe de mettre une loupe sur les problèmes, de poser un regard critique sur ce qui nous entoure. J’avais traité des médias avec M, une pièce moyenne, de la consommation avec XL, because size does matter, des dérives de l’industrie de la viande avec MAS-SACRE, de l’obésité avec XXL, because big is beautiful, et maintenant des déchets avec ce dernier volet sur notre société de (sur)consommation. Cette saturation est également valable pour le spectacle vivant ; nous sommes dans la surproduction. L’artiste peine à maintenir sa visibilité ; les lieux ne vont pas se démultiplier. Une compagnie n’est pas si différente d’une entreprise qui doit se diversifier et développer des stratégies de survie. » •

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