NDD#62 L’archive mise en scène III | Visions, recherche sur une documentation poétique de la danse

par Anouk Llaurens

L’origine du projet

Il a été influencé par plusieurs expériences : ma pratique des Tuning Scores de Lisa Nelson¹, ma collaboration avec le chorégraphe et plasticien Julien Bruneau² sur « phréatiques », un projet qui articule la danse, le dessin et la pensée verbale, l’invitation de Contredanse à donner un atelier sur la pédagogie du rythme de Fernand Schirren – musicien, professeur de rythme notamment à Mudra et à P.A.R.T.S –, et finalement mon implication dans le projet IDOCDE (International Documentation Of Contemporary Dance Education).

1 www.idocde.net/idocs/427
2 sarma.be/oralsite/pages/Strata

Une documentation poétique

Schirren disait à propos de l’écriture de son livre qu’il ne voulait pas être comme ces écrivains qui écrivent sur le style et n’ont aucun style. Je m’intéresse à travers ma recherche à cette adéquation entre un contenu et sa forme. Créer une documentation poétique nous conduit à questionner la croyance qui lie communément la documentation à l’objectivité et la poésie à la subjectivité. Mes collaborateurs et moi explorons actuellement le potentiel poétique de méthodes de documentation qui se voudraient objectives comme les statistiques, ou l’application de grilles qui fragmentent l’espace ou le temps.

Le document vivant

Dans Visions, un document est toute chose ou moyen qui transmet une expérience du passé et qui peut être revisitée pour continuer. La recherche se développe à partir de l’hypothèse que vivre est une pratique de documentation en faisant référence à la mémoire corporelle et à l’ADN qui encode les instructions génétiques utiles au développement et au fonctionnement de tous les organismes vivants. Ainsi, Visions définit non seulement des documents tangibles comme des photos, des textes, des dessins ou des vidéos, mais aussi des partitions qui acquièrent le statut de documents vivants quand elles sont jouées, performées, transmises.

Visions au pluriel

Il est important pour moi de développer une documentation polyphonique, c’est-à-dire qui présente plusieurs points de vue sur un même sujet. Voilà pourquoi je travaille en collaboration avec des artistes invités, qui sont principalement Sonia si Ahmed (danseuse et chorégraphe), Maya Dalinsky (danseuse, traductrice et étudiante aux Beaux-Arts en Art dans l’espace public) et Julien Bruneau (danseur, chorégraphe et plasticien). D’autres invités participent ponctuellement à cette recherche. Le projet se nourrit également de discussions engagées avec des artistes, spectateurs, journalistes…

La relation entre l’œil et la main

Deux questions centrales animent notre recherche :
Le toucher, considéré comme le sens « sale » parce que relié à la matière, et la vision, « noble » car reliée à l’esprit sont-ils toujours, aujourd’hui, dans ce rapport hiérarchique ?
Comment révéler la danse présente dans nos gestes les plus quotidiens, comme boire une tasse de café ou enfiler son manteau, en s’intéressant à la relation entre la main et l’œil ?

Le projet au centre de doc. de contredanse

Nous allons partir de documents vivants déjà présentés au public (voir photos) et les adapter à cette niche particulière qu’est le centre de documentation de Contredanse. L’adaptation se fera en dialogue avec le lieu, les personnes qui y travaillent, leur activité, les objets qui s’y trouvent. Deux évènements publics, l’un au début de notre période d’immersion (15 janvier 2015) et l’autre à la fin (12 février 2015) présenteront les documents vivants avant et après leur processus d’adaptation.

Poursuite de la recherche

Je suis curieuse de ce qui va se passer à Contredanse. Sera-t-il intéressant de poursuivre ces laboratoires dans d’autres centres de documentation ? J’ai aussi comme projet d’adapter ces documents vivants à un contexte scénique. Enfin, je souhaite développer une publication numérique sur Research Catalogue, une plate-forme internationale pour la recherche artistique (www.researchcatalogue.net).