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    NDD#83 – B**** de Yipoon Chiem

    © Stanislav Dobak – B****

    Propos recueillis par Florent Delval

    Fidèle au hip-hop qui a changé sa vie, la danseuse et chorégraphe Yipoon Chiem s’est forgé une identité hybride guidée par la curiosité et les rencontres. Elle se révèle en partie dans son deuxième solo, B****.

    Une rencontre décisive

    « Ce n’était pas prévu que je sois danseuse ou chorégraphe. A 18 ans, un ami batteur m’a initié à la musique, puis je me suis retrouvée dans un groupe de breakdance. J’en ai fait six mois non-stop. On a rencontré les musiciens d’Aka Moon, par la chorégraphe Fatou Traoré, qui était une voisine. Elle a vu des fous danser à 1h du matin. Elle a voulu nous introduire dans le monde de la danse contemporaine. Vers 2000, on est parti au Maroc avec des musiciens gnawa (ndr : musique de transe marocaine). Au début, je ne comprenais pas les rythmes ternaires du jazz. Mais j’ai poussé tellement loin avec les musiciens que le métronome est là (elle imite un rythme ternaire frénétique). Ça m’a permis d’être plus dans le ressenti et de sortir des codes. Avant, je n’avais pas vraiment de passion. Mes parents avaient un trauma du génocide cambodgien. Ils voulaient me garder dans la communauté et un moment j’ai dû partir. J’ai été initiée à la danse traditionnelle à l’âge de sept ans. On apprend les gestes divins dans le thème du Ramayana (ndr : épopée mythologique hindoue), influence des colons indiens. Mais quand j’ai rencontré le break, je suis tombée amoureuse de cette énergie.

    Hybridité brûlante

    Au fur et à mesure que tu acquiers les bases, tu les détournes. Peut-être que c’est ça hybride ? Ensuite j’ai pratiqué les arts martiaux, influencée par les films de kung-fu. J’ai sans cesse mélangé : la culture gnawa, la culture vaudou, la capoeira aussi. Je me suis nourrie de toutes ces qualités de danse. A Bruxelles, la mixité fait que tu veux t’enrichir. C’est ce qui fait de moi une danseuse hybride. Au fond de moi, je me sens hip-hop dans mon ADN, cela doit rester dans ma gestuelle. Le break m’a sauvée. Ma source est hip-hop et mon expression est contemporaine. Quand le groupe s’est séparé, je me suis retrouvée à accepter de faire des solos, et ça m’effrayait. J’ai alors mis de côté la musique. J’avais soit le choix de laisser le feu de mon dragon me brûler, soit de le sortir. La danse ne pouvait pas tout exprimer. J’ai dompté ma patience et je me suis mise à apprendre Ableton Live (ndr : logiciel musical). Je suis hyperactive, j’ai besoin de m’exprimer. J’ai demandé à Louc Sadu, un artiste multidisciplinaire, et au producteur musical Torben Hens de m’aider car je ne suis pas encore au point.

    Rester debout

    Dans le solo B****, il est question d’une femme qui doit assumer qu’être à l’égal de son frère de danse, voire de le dépasser, n’est pas sans conséquences. Assumer ce côté hybride, c’est dur, car il n’y a pas toujours de modèles. En Belgique, très peu de femmes sont reconnues dans le hip-hop. Soit j’accepte d’être écrasée par l’ego des hommes, soit je décide de me verticaliser. C’est un des nombreux challenges que j’ai décidé d’affronter. » •

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