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    NDD#83 – Dossier – 4 voyages à travers la danse

    Par Isabelle Meurrens

    Nord, Sud, Est, Ouest : quatre voyages pour trouver son chemin dans la danse contemporaine

    Il y a un an, Charleroi danse publiait, en partenariat avec Contredanse, un outil de médiation, plus communément appelé une mallette pédagogique. Un outil à trois bras : un petit livret illustré présentant 20 œuvres emblématiques de la création chorégraphique en Belgique de 1930 à aujourd’hui, des extraits vidéo de ces mêmes œuvres et enfin un dossier de près de 120 pages, signé par Apolline Borne, retraçant des parcours thématiques et créant des liens à travers les œuvres, à travers l’histoire. Au total, cinq parcours : Danse et musique ; Danse et théâtre/histoire ; Danse et société ; Danse et arts plastiques/architecture/cinéma, et Danse et improvisation.

    Le contexte géographique et temporel dans lequel naissent les œuvres les imprègne. Contexte financier tendu, et l’ère des solos sur scène s’amplifie. Contexte de progrès technologiques et numériques, et la relation entre danse et technologies se généralise. Contexte de crise climatique, et la danse se fait « low-tech ».

    Si des fils se dessinent aisément à travers l’histoire de la danse, les points de convergence se retrouvent encore davantage lorsqu’on plonge dans l’actualité de la danse. Chaque saison a ses lignes directrices, et pour cette édition de Brussels, dance!, copilotée cette année par Contredanse et le Jacques Franck, nous voulions les donner à voir. Nous avons dessiné cinq voyages : une danse qui nous interroge, une danse qui nous lie, une danse à écouter, une danse qui nous fait rire et enfin la danse sous toutes ses formes. À travers ces quelques pages nous mettons l’éclairage sur quatre d’entre eux.

    VOYAGE 1

    La danse peut-elle soulever les foules ?

    Alors que chacun cherche ce qui distingue le monde d’avant du monde d’après, les chorégraphes aujourd’hui nous interrogent. Nucléaire, guerre, pandémie. Quel est ce monde d’après qu’on croyait percevoir ? Peut-on seulement changer la logique du monde ?

    Aujourd’hui la guerre est en Europe et Akram Khan dans Chotto Xenos, à voir ce trimestre à Central à la Louvière, plonge les spectateurs dans les guerres passées, et traite en particulier des soldats coloniaux de la Première Guerre mondiale, pour inviter les jeunes spectateurs à réfléchir sur notre présent et notre avenir. Il est question d’histoire aussi dans Zouglou, présenté au 140, celle de la pauvreté des étudiants en Côte d’Ivoire, qui au début des années 90 se sont révoltés pour plus d’égalité et de justice sociale, inventant par leur révolte un courant musical pour réinventer le futur.

    Le futur c’est précisément ce qui nous angoisse quand le monde semble courir à sa perte. C’est ce qu’évoque Anton Lachky dans Les autres, au Marni et à Rixensart. Quatre personnages isolés dans un monde étrange, un enfer de plastique, sans autre êtres vivants. Nous faire ouvrir les yeux sur la crise climatique, c’est également la démarche de éleonore Valère- Lachky, Courir au bord du ravin les yeux fermés, un court solo au titre évocateur qui promeut la paroles des scientifiques, à voir dans le Hall des Brigittines en avril. Alors, la danse est-elle une arme chargée de futur ? Certainement pour Mercedes Dassy qui après avoir traité du féminisme hyper sexué dans ces deux précédents solos, crée ici un quatuor Ruptuur, visible à la Raffinerie, une œuvre manifeste pour un changement radical, autant intime que politique.

    Alors, la danse est-elle miroir du présent ou une arme chargée de futur ?

    > À lire : Danse : l’arme du sensible par Roland Huesca
    VOYAGE 2

    Une danse qui nous relie

    Être ou ne pas être ensemble ? Telle est la question de la danse depuis toujours. Qu’on y réponde par l’unisson du corps de ballet classique, par le toucher et l’esquive du tango, par les prouesses techniques singulières des battles de hip-hop ; en chœur, en solo, en duo, tous répondent à cette question : que faisons-nous ensemble ? Enjeu de composition donc, mais aussi de société. Un exemple : en 1969, la chorégraphe californienne Anna Halprin montre Ceremony of Us et s’empare des questions ethniques en rassemblant sur scène les danseurs de sa compagnie et du studio de Watts, ghetto marqué par les émeutes de Los Angeles.

    Aujourd’hui, après deux ans de distance forcée, être ensemble prend un sens particulier, le « care » et l’attention à l’autre sont au cœur des questions des chorégraphes. La distanciation sociale, un nouveau sujet pour la danse, comme dans Contact Zero de la compagnie Opinion Public, au Théâtre Marni et au CC de Nivelles. Joie d’être ensemble, mais aussi plaisir d’être seul, une question à hauteur d’enfant dans Bleu sans pluie pour le jeune public. L’espèce humaine forme-t-elle une seule et grande famille ? C’est ce que se demande Pietro Marullo dans Hive, à voir aux Halles de Schaerbeek. Et puis, parce qu’être ensemble c’est aussi une fête, le festival Danses en fête ! aura lieu partout en Belgique du 20 au 24 avril.

    > À lire : Bleu sans pluie de la compagnie L’Inconnue par Alexia Psarolis
    VOYAGE 3

    Danse et musique, une longue histoire

    Il y a encore 100 ans, la danse se déployait sur les scènes d’opéra. La musique et l’histoire précédaient la danse, et le maître de ballet menait ballerines et danseurs en musique. Au XXe siècle, la danse s’émancipe et cherche son chemin loin de la musique. Des années 1980 aux années 2020, danser en rythme sur la musique, c’était pour les cours de danse et les boîtes de nuit, mais plus rarement sur les plateaux des théâtres. La danse devient mouvement et immobilité, et la musique, environnement sonore et silence.

    Depuis quelques années, la musique fait son grand retour sur les scènes de danse. Les musiciens s’invitent de nouveau sur les plateaux, non plus dans une fosse d’orchestre comme il y a 100 ans, mais sur scène, comme la chanteuse rock Trixie Whitley dans Traces de Wim Vandekeybus, au KVS. Des musiciens sur scène également au Kaaitheater, où danseurs et trio à cordes livrent bataille dans Duet for two string trios de Claire Croizé. Une musique qui a le pouvoir de nous ramener à nos souvenirs comme dans Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan, qui deviendra avec le public sur scène Everybody dances Bob Dylan au KVS. Comment parler des rapports entre danse et musique sans citer Anne Teresa De Keersmaeker, dont de nombreuses pièces prennent leur élan dans les partitions musicales, en particulier de musique baroque, à l’instar de sa dernière création, Mystery Sonatas, à voir en juin au Kaaitheater. La musique baroque encore dans la version de Michiel Vandevelde des Variations Goldberg au CC de Meent. La musique baroque toujours dans Summertime de Thierry Smits, au Studio Thor, avec l’ensemble The WIG Society.

    > À lire : Summertime de Thierry Smits/Cie Thor par Florent Delval
    VOYAGE 4

    Est-ce que c’est vraiment de la danse ?

    Qu’est-ce que la danse contemporaine ? S’il n’est pas facile de la définir en quelques mots, c’est sûrement parce que la création chorégraphique prend des formes multiples. Et cela ne date pas d’hier. Il y a 100 ans les mouvements d’avant-garde battaient leur plein en Europe. Les avancées scientifiques et techniques, l’arrivée du cinéma, la naissance du Bauhaus ou du surréalisme font de ce début de siècle une période riche pour les chorégraphes, qui s’entourent d’architectes, de peintres, de poètes pour créer des œuvres d’art total. Effets spéciaux et costumes flamboyants chez Loïe Fuller, architecture et littérature chez la danseuse belge Akarova, les chorégraphes remettent en question la forme, l’espace et le rapport au public. Mais l’hybridation n’est pas le seul fruit du mélange des disciplines, elle est aussi mélange des cultures. Danses populaires, carnaval, ouverture à d’autres cultures sont autant de façons de s’affranchir des codes et de mêler les genres.

    La compagnie Mossoux-Bonté, rencontre d’un metteur en scène et d’une chorégraphe, a toujours croisé les formes : théâtre, marionnettes, arts plastiques entrent dans la danse. Un sabbat des sorcières, en l’occurrence, dans The Great He-Goat, une plongée dans les œuvres noires du peintre espagnol Goya, hanté par les affres de l’inquisition, en juin aux Tanneurs. La peinture ancienne également dans Vlaemsch de Sidi Larbi Cherkaoui et du plasticien Hans Op de Beeck, qui se plongent dans l’âge d’or des primitifs flamands pour se poser la question de leur propre identité d’artiste flamand aujourd’hui. Identité multiple aussi pour Yipoon Chiem, artiste d’origine vietnamienne qui mêle kung-fu , danse classique khmère et hip-hop, créant son style propre, une véritable fusion de plusieurs influences, à voir dans B**** au KVS.

    > À lire : B**** de Yipoon Chiem par Florent Delval

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