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    NDD#76 – Echos à Steve Paxton

    Charlie Morrissey © Pari Naderi

    La vitesse de l’être

    Par Romain Bigé

    « Quelle est la vitesse de l’être ? (…) Nous sommes en devenir – comprenez-moi bien : c’est un appel aux théories de l’évolution –, nous ne sommes que des moments au sein d’un processus. »
    Steve Paxton, conférence à BOZAR, mars 2019

    What is the speed of being? J’ai rencontré Steve Paxton pour la première fois il y a six ans. Il donnait une conférence au Smith College, Massachusetts, et je crois me souvenir que pour l’essentiel, il y parlait de son jardin. Et comment, assis à sa fenêtre, observant les molécules entrer en relation les unes avec les autres, et la pousse lente des plantes, et la fonte de la neige, et le passage des nuages, et l’irruption d’un chat ou d’un chevreuil, il pratiquait l’improvisation.

    What is the speed of being? La question peut se traduire de deux manières, objective ou subjective. Objective, elle signifie : à quelle vitesse vont les êtres, et à quelle vitesse dois-je me mettre, moi qui les observe, pour les percevoir avec justesse ? D’un point de vue subjectif : non plus « à quelle vitesse vont les choses ? », mais « à quelle vitesse existons-nous ? ». La Petite Danse, pratique méditative – développée par Steve Paxton – sur l’être debout où, les deux pieds bien plantés dans le sol, j’observe la symphonie des micro-mouvements qui maintiennent mon corps dans la posture érigée, est au confluent de ces deux vitesses objective et subjective. D’un côté, elle pose la question du phénomène : à quelle vitesse mon corps tombe-t-il, et à quelle vitesse mes réflexes posturaux m’empêchent-ils de m’écraser au sol ? Mais de l’autre, elle pose la question du sujet qui observe : à quel point puis-je me ralentir, à quel point puis-je calmer l’esprit pour sentir ces mouvements qui me mouvementent, qui se produisent en moi sans moi ?

    What is the speed of being? Nous voilà à Bruxelles avec cinq improvisateurs et improvisatrices qui ont longuement travaillé avec Steve Paxton. Qui ont fait d’innombrables siestes en studio, qui ont passé des heures à répéter les mêmes gestes de pointer, lever la main, tendre le pied, rouler en hélice, rouler en croissant, rouler-aïkido. Travailler avec eux pendant une semaine m’a rappelé cela : qu’improviser, c’est bien sûr bouger, mais c’est aussi, dans ce bouger, « attendre », c’est-à-dire prendre le temps pour que l’attention navigue et que la conscience vienne se déposer là où les automatismes l’empêchent de se porter. What is the speed for being with gravity?


    When I fall

    Par Liesbeth de Jong

    I get up in spiralling helixes and when I breath out I don’t die. But space is created and my spine grows longer.
    Time to rest and digest allowing gently my sits bones to lean into the hand of the earth listening to its messages to open up my heart. •


    Swimming Graviteux

    Par Patrick Gaiaudo

    Je suis témoin. Je suis celui qui regarde.

    Pendant cette semaine, Patricia Kuypers a proposé une partition qui permet de se laisser voir en train d’apprendre. Une proposition qui étudie la réception (je regarde l’autre bouger) autant que la prise de forme (j’expérimente comment je peux recevoir la forme de façon dynamique, en bougeant).

    « Je suis celui qui le fait »

    Selon les mots et la démarche d’Otto Ramstad, pour qui le matériel (MFS) est réduit, simplifié. Il consiste en une suite d’exercices transposant dans l’espace une forme du corps, et dont il faut précisément maintenir l’organisation interne, l’aspect, l’idée pourrait-on dire. Ce sont des puzzles, selon l’expression de Steve Paxton. Notons que le terme « puzzle » évoque un jeu de patience, une activité de réalisation complexe et de réciprocité entre l’élémentaire et le tout. Il faut donc éprouver, faire l’épreuve de ces formes, les traverser : le matériel consiste avant tout en une pratique d’incorporation d’une forme, la faire sienne, mais comment ?

    Pointer et observer. Reach into myself. Atteindre, atteindre en soi.

    Scott Smith nous propose de « pointer quelque chose, l’attirer à soi et observer la vague qui revient dans notre bras ». Scott nous fait comprendre que pointer c’est introjecter en soi un élément extérieur. Cela relève d’une extension, d’une tension, d’une in-tension.

    Atteindre les parties cachées

    Material for the Spine est un système de traque et de mise en question de ce qui se fixe ou se fige en habitude, dans l’ordre du mouvement, du corps et de l’imagination, mais aussi globalement de la pensée. •


    Le nom de Steve Paxton

    Par Stéphanie Auberville

    … est rattaché au Contact Improvisation ; pourtant Material for the Spine en paraît à première vue assez éloigné. Croissants, ellipses, puzzles, les formes semblent rigides, plus proches d’exercices de gymnastique que de l’improvisation. Swimming in Gravity se transforme parfois en Swimming in Rigidity. Je ne
    sais pas comment mon corps va pouvoir survivre, j’ai l’impression de devoir me glisser dans une carapace, d’être un bernard-l’hermite qui doit à la fois rechercher, dessiner et fabriquer sa coque. Et c’est dans ce tout en même temps que le travail se déploie car la forme ne vient pas en premier, on s’en serait
    douter venant de Paxton. La forme se révèle, s’ouvre en trois dimensions de l’intérieur du corps, au travers d’attentions fines par des façons de se concentrer sur une partie du corps qui se relie à une autre ou encore la manière dont le corps entre dans un mouvement de cercle, de spirale ou d’ondulation. C’est là où je ne sais plus rien de ce qui va suivre. « Comment savez-vous que vous n’êtes pas en train d’improviser ? » demande Steve Paxton dans Gravity. •

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