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    NDD#70 « Les petits sont le meilleur public pour la danse contemporaine ! »

    Anton Lachky Company Cartoon © Nicolas Bomal

    Par Sarah Colasse

    Chaque été, au surlendemain des fêtes du 15 août, les Rencontres Théâtre Jeune Public accueillent quelque 600 professionnels dans ses salles de spectacle improvisées. L’édition 2017 proposait 37 pièces, 8 jours durant, parmi lesquelles 4 créations chorégraphiques. Sans oublier plusieurs spectacles aux accents dansés. Petit tour en bords de Meuse…

    Véritable passage obligé, les Rencontres permettent aux artistes de s’adresser au jeune public et de bénéficier des systèmes d’aides existants. La Fédération Wallonie-Bruxelles et les Provinces prévoient des interventions financières (programme Spectacle à l’École) afin de rendre ces créations accessibles au plus grand nombre. Dès lors, les lieux culturels composent leur programme jeune public faisant leur choix essentiellement parmi les spectacles présentés à Huy. Sept lieux les y accueillent : le Centre culturel, bien sûr, mais aussi des salles d’écoles (de gym, de fêtes…) aménagées pour l’occasion ainsi que des classes. Encore faut-il, pour les compagnies, bénéficier d’un contrat de confiance (Cie Félicette Chazerand et No Way Back) ou avoir passé, au printemps, le filtre de la sélection (XL Production et Anton Lachky Company).
    And last, but not least, une cérémonie permet à un jury de décerner des prix provenant de différentes cassettes ministérielles ainsi que de la Province de Liège (organisateur de l’événement) et de la Ville de Huy. Cet été, le Prix de la ministre de la Culture a été remis à un spectacle de danse : Cartoon d’Anton Lachky Company ! Comment ces artistes ont-ils vécu leur premier Huy ? « Une expérience très joyeuse et un accueil chaleureux ». Père de deux enfants, Anton Lachky s’interroge « sur les façons d’amener l’enfant à s’émerveiller, de piquer sa curiosité, de provoquer le désir de savoir et la joie de connaître ».

    On y danse depuis 16 ans

    Si les Rencontres hutoises existent depuis 33 ans, la danse n’y fait timidement son apparition qu’en 2001 avec Iota (Iota danse) et la Cie F. Chazerand (Carte postale). Un régal pour Bruno Delmotte, en charge de la programmation danse et jeune public à la Maison de la Culture de Tournai : « Les petits sont le meilleur public pour la danse contemporaine ! Ils adorent l’abstraction, peuvent s’y projeter. Devant un nuage, ils y voient 36 choses. Ils n’ont ni les appréhensions ni la difficulté que peuvent connaître les adultes. » Présent à Huy depuis 1994, le programmateur se souvient d’un été où, au sein du jury, il avait tenu tête à ses collègues pour défendre un spectacle pour ados, sans paroles, uniquement basé sur du mouvement et des bruitages. Lorsqu’il l’avait programmée ensuite à Tournai, cette pièce avait conquis les jeunes. « Le problème de l’enseignement et de la société en général, c’est d’être trop cartésien. Nous, on est là pour partager des propositions en arts vivants, en arts plastiques… qui permettent de “se lâcher” ».

    Proposer de la danse aux jeunes lui semble essentiel. « On est dans une civilisation où le corps est beaucoup plus présent. Depuis quelques décennies, il a pris une place importante dans la vie de tous les jours. On sort aussi d’une nuit des temps particulièrement recouverte d’une chape de plomb. Né à la fin des années 50, j’ai le souvenir d’adultes coincés auxquels il fallait ressembler : ne pas se relâcher, marcher droit, torse raide, s’asseoir ou saluer de telle manière… Des siècles de corps corsetés ! »

    Diversité et hommage

    Penser danse à Huy, c’est repenser au thé hilarant d’Alex au Pays des poubelles (Chaaaaaaange !) de Maria Clara Villa Lobos ; aux lumineux partages de danse contact des Corps confiants de Félicette Chazerand ; à l’énergie salutaire des quatre fascinants danseurs de Cartoon plongés dans le monde des contes de fées proposé par Anton Lachky ; au hip-hop divertissant des Aventures de Super Showman de Milan Emmanuel en mode conte cosmique. Mais aussi à la force rebelle et bouleversante de la danseuse Mélody Willame dans Les cœurs atomiques (Zététique théâtre), au ludique et acrobatique Cache-cache du Théâtre de la Guimbarde, à la richesse du travail d’Agnès Limbos et de Thierry Hellin avec Nienke Reehorst pour Axe

    De cette édition nous retenons également l’émotion suscitée par la phrase dansée de Caroline Cornélis lors d’un hommage chaleureux rendu par la profession à Catherine Simon, grande figure du théâtre jeune public, dont la disparition brutale peu avant les Rencontres a fait planer un vide lors de ces huit jours. Tour à tour enseignante, artiste, directrice de la CTEJ, programmatrice au regard aiguisé, elle a toujours défendu haut et fort le langage de la danse, qu’elle proposait avec bonheur au Centre culturel Jacques Franck.
    Nul doute qu’elle aurait adhéré aux paroles d’Anton Lachky : « Regarder de la danse, c’est danser soi-même un peu. C’est retrouver, par l’autre, la sensation de son propre corps dansant. Mon art chorégraphique invite les enfants à se retrouver autour d’une expérience commune. » Il s’agit, pour le chorégraphe, de « les inviter à ne pas déserter leur corps, mais au contraire d’apprendre très tôt à toujours vivre de lui, en lui, dans le respect de sa nature et de ses désirs profonds ». •

    Sarah Colasse est directrice de ékla (ex‑ CDWEJ). Elle écrit également pour Le Ligueur et Nouvelles de Danse.
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