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    NDD#66 Émulation, diversité, décloisonnement… | Témoignages d’anciens mudristes

    Le Théâtre et les Dieux. Dominique Genevois, Pierre Droulers et Allan Tung. Théâtre national, Bruxelles, 1973. Photo : © Claire Falcy.

    Karine Ponties

    «Mudra a été une école importante pour moi, une bonne école de vie. Malgré un encadrement très dur pour de jeunes ados dont le corps se forme, cette école m’a forgée dans la discipline et j’y ai rencontré deux superbes amis, ce qui n’est pas rien.
    J’avais choisi cette école parce qu’elle était internationale, reconnue par l’Unesco, on pouvait y rencontrer des gens de pays très différents, de classes sociales très différentes aussi.
    Mon objectif n’était pas absolument de rentrer dans la compagnie de Béjart ; j’avais besoin d’outils, je manquais de technique, et Mudra me semblait être l’école qui offrait une formation complète avec du théâtre, du rythme et différentes techniques de danse.
    J’ai appris beaucoup de certains, notamment d’Alfons Goris, professeur de théâtre, et de Fernand Schirren, professeur de rythme. Et aussi de quelques personnalités comme Gérard Wilk, Flora Cushman, par ce qu’ils partageaient avec nous au quotidien, au-delà de leur enseignement.
    Par la mise à l’épreuve au sein d’un groupe, j’ai acquis à Mudra le dépassement de soi à l’endroit où l’on ne peut pas tricher : le corps. J’ai appris à travailler cet outil singulier, avec rigueur, exigence et persévérance. Trois éléments qui m’accompagnent depuis toujours dans ma démarche, augmentée aujourd’hui, par le travail et le temps, de la notion d’abandon. »


    Pierre Droulers

    «Mudra, c’était « tout d’un coup ». C’était l’ouverture sur la danse et sur toutes les autres techniques proposées par cette école d’« art total » telle que Béjart la voulait. C’était la vie en dehors de la famille, à Bruxelles, avec de nouveaux amis. La directrice était passionnée. On était la première génération, on avait droit à tout. Un jour, on a laissé un mot pour prévenir qu’on partait improviser 2-3 jours à la mer. À un autre moment, ils ont accepté que je sèche les cours de danse espagnole parce qu’avec Maguy Marin et les autres nous faisions des ateliers la nuit, inspirés des pièces de Bob Wilson que nous avions vues la veille à Paris. Pour moi, ce sont les grands événements. Grâce à cette école, tous les possibles s’ouvraient. C’était très vivant. On brûlait la chandelle par tous les bouts. On sortait. On était fous d’expérimentation. À la sortie de l’école, je n’ai pas voulu rentrer dans la compagnie de Béjart. Je suis parti vers d’autres expériences (chez Grotowski, à New York, dans Les Ateliers de Bob Wilson). C’était une continuité à vivre.
    Mudra a permis de décloisonner la danse classique et de fonder la danse contemporaine. Mudra a signé la déconstruction d’un monde ancien pour cette nouveauté. En ce sens, cette école était une vraie création, une révolution. »


    Nicole Mossoux

    «De Mudra je garde le souvenir très prégnant de la demande que Maurice nous avait adressée en début d’année de créer une forme courte sur le thème de Venise et la mer. Il avait l’intention d’intégrer ce matériau au spectacle Aqua Alta, qu’il monterait l’été suivant à Venise. Même s’il a traduit dans le style qui lui était propre nos propositions, leur dérobant un peu d’âme, je garde des temps de recherche et d’élucubrations préalables un souvenir passionné et fiévreux. Fière étais-je d’ajouter ma pierre au Grand Œuvre, mais ce fut surtout pour moi l’occasion de réaliser à quel point le travail de conception et d’écriture me motivait, au-delà de celui d’interprète.
    Béjart pouvait nous impressionner par son aura et ses yeux antarctiques ; il savait aussi laisser de la place : tel un dieu qui s’éloigne de ses créatures, il a su permettre l’éclosion de toute une génération de chorégraphes dont les styles et les approches sont aussi différents entre eux qu’ils se différencient de son style à lui. Grâce lui soit rendue d’avoir su développer une école où la norme était la diversité ; le renouvellement des formes, un vrai challenge. »


    José Besprosvany

    «Je n’aurais jamais imaginé qu’en prenant le train de nuit de Paris vers Bruxelles ce jour de mai 1979, ma vie allait changer pour toujours. Arrivé au numéro 103 de la rue Bara pour une audition à l’école Mudra, j’ai découvert un hangar au sein duquel se trouvait un bâtiment en bois peuplé d’artistes de toutes les nationalités : des danseuses et des danseurs aux yeux lumineux, des professeurs, une maison d’enseignement et de création inédite. Et je serais certainement un autre aujourd’hui si je n’avais pas vécu ces années d’enseignements multiples, au cours desquelles mon corps et mon esprit furent forgés, brûlant de cette envie que notre professeur de rythme Schirren définissait si bien : comme une pierre qui tombe dans la rivière et provoque des ondes parcourant toute la surface de l’eau, faire un spectacle c’est créer une petite onde de choc dans notre monde et notre société, une onde qui aura des répercussions insoupçonnées, jusqu’à des rives inconnues. Merci, Mudra, de m’avoir tant donné. »

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