Bookshop
  • Français
  • English
  • Recevez le magazine chez vous !

    S'abonner
    Liens utiles

    Alexia Psarolis

    La philosophie, pour un autre regard sur la création – Entretien avec Sandrine Schlögel

    Regards croisés Tous les articles Mars 20, 2024
    Atelier animé par Caroline Cornélis © Sandrine Schlögel/Philocité

    Comment observer ce que produit une œuvre artistique ? Comment l’outil de la philosophie permet-il le dialogue ? Nous avons partagé ces questions avec Sandrine Schlögel, animatrice à Philocité.

    « Un atelier philo est comme une pièce de théâtre : vivant, unique, avec ses protagonistes qui partagent leurs émotions, leurs points de vue et qui parlent de la vie », écrit Nicolas Delamotte-Legrand, formateur et animateur d’ateliers philo1. Ouvrir le dialogue grâce aux outils philosophiques, c’est le cœur du travail mené par Philocité, souvent sollicitée dans le cadre scolaire pour des ateliers autour d’un spectacle ou pour des bords de scène comme, entre autres, pour les séances Écran Large sur Tableau Noir au Jacques Franck, en partenariat avec Les Grignoux, au Festival de l’horreur avec le Théâtre de Namur ou encore pour Points de rupture de Françoise Bloch au Théâtre des Martyrs (créé en 2020 et présenté en janvier 2025). L’association liégeoise regroupe des enseignants et des chercheurs qui partagent le désir de promouvoir la pensée et le débat critiques. Elle s’adresse à des publics variés, enfants, adolescents, adultes, de la maternelle à l’université, intervient également dans les maisons de jeunes, les centres culturels, les musées, les bibliothèques ou les prisons. Animation, formation, recherche, et même supervision d’équipe, cette structure « couteau suisse » mène une action au caractère éminemment politique, mobilisant la philosophie comme vecteur d’émancipation.

    Transformer sa perception

    Avec ses albums colorés, ses sujets et ses récits, la littérature jeunesse constitue un support de choix utilisé par les animateurs. L’image tient également une place centrale dans la pratique de médiation qui constitue un excellent support pour la réflexion, et adapté aux personnes qui ne sont pas en maîtrise de la langue, notamment primo-arrivantes. Médiation ? Le terme est lâché, mais il ne faut pas s’y méprendre : la médiation philosophique n’est en aucun cas une démarche didactique visant à débusquer le message caché dans une œuvre, à apprendre à aller au spectacle ou à le resituer dans l’histoire de l’art. Ni même, à l’inverse, une attitude qui consisterait à divertir. « Ce type de médiation ne vise ni à remplir sa tête ni à la vider, mais à transformer sa manière de percevoir, de réfléchir », explique Sandrine Schlögel, chercheuse et animatrice à Philocité.


    Que voit-on sur l’image ? Qu’a-t-on observé durant la représentation ? Qu’a-t-on vu dans le film ? Sur la base de ces constats, simples en apparence, la discussion peut débuter, mettant en relief l’écart entre les différentes observations-interprétations. Et, ce faisant, permet le glissement du regard à la parole. Ou comment la conception d’un temps de médiation vient nourrir un processus de création, précisément parce qu’il s’agit d’art vivant.

    Le dialogue, sinon rien

    Les ateliers de médiation philosophique, menés dans le cadre scolaire, se pratiquent parfois en deux temps : avant et après le spectacle ou le film. Il ne s’agit pas de préparer les enfants audit spectacle ou de les faire lire en amont. Pour Llum de la chorégraphe Caroline Cornélis – un spectacle de danse pour une danseuse et un manipulateur de lumières –, l’avant-spectacle a consisté à faire émerger, en classe (niveau primaire), des questions autour de la lumière, du rapport aux ombres, dans une approche philosophique du thème. Dans un second temps, après le spectacle, la réflexion, à l’école, s’enclenche sur ce qui a été vu, ce que les élèves ont retenu, en prenant soin de décrire finement les scènes pour partager cette mémoire au sein de la classe. Delphine Maurel, médiatrice culturelle au sein de la compagnie Nyash présente durant ces ateliers philosophiques, témoigne de la façon dont la création imprègne le quotidien des enfants, comment elle y fait écho. Pour le prochain projet prévu en 2025-2026, les retours d’enfants viendront nourrir le processus créatif de la compagnie.


    « L’œuvre est toujours un support à partir duquel on reçoit le feed-back des enfants. S’agissant d’un public captif qui n’a pas choisi d’aller au spectacle, la condition de l’atelier est d’ouvrir le dialogue, souligne Sandrine Schlögel. Le sujet de discussion émerge des enfants et non des adultes en présence. L’enseignant peut participer à la discussion, au même titre que les élèves, en tant que spectateur. Observer ce que l’œuvre produit entre les spectateurs, transformer sa sensibilité, tels sont nos objectifs. Un mouvement qui nous affecte également en tant qu’animateurs et animatrices. »


    Ces ateliers exigent une bonne préparation en amont, côté adulte (visionner le film, assister à des répétitions, lire…). Une discussion avec l’enseignant ou le centre culturel d’où émane la demande est également indispensable pour expliciter les attentes des deux côtés (animateurs et structures), vérifier leur convergence, car des malentendus demeurent possibles sur les enjeux de ces ateliers. Pour Philocité, la discussion philosophique favorise la réflexion sur la création et l’émancipation par l’art.


    « Mettre des personnes en relation, créer des liens entre artistes, programmateurs et programmatrices, spectateurs et spectatrices, c’est ce qui nous meut », déclare Sandrine Schlögel. L’animatrice révèle la dimension politique de cette démarche philosophique, elle qui coanime également des ateliers de discussion et de pratique du mouvement. Comment (re)mettre le corps en liberté dans le cadre circonscrit de l’école ? Qu’est-ce qu’un corps qui pense ? Le dialogue est ouvert.

    1 À la suite d’un atelier mené à la Comédie-Française, en janvier 2025, à Paris.

    Articles

    Alexia Psarolis Mars 21, 2024

    Le Guide du retour, des outils pour dire, agir et réfléchir – Entretien avec Vanessa Vallée

    Coécrit par Stéphane Gornikowski et Vanessa Vallée, Le Guide du retour vise à accompagner les processus artistiques par le dialogue. Issu du projet REACT – pour REmettre l’Art au Centre du Travail –, il constitue une (première) porte d’entrée pour questionner la relation sensible entre artistes et lieux de programmation, en rassemblant des outils pratiques […]
    Plus d’infos
    Alexia Psarolis Mars 21, 2024

    Prévenir les risques psychosociaux dans les arts de la scène 

    Le fait mérite d’être relayé ! Coordonnée par le CeRSO1 et commanditée par l’APEF2, l’étude sur les conditions de travail dans les arts de la scène en Belgique, qui s’est déroulée au printemps 2024, est désormais disponible en ligne. Menée par des sociologues, elle met en lumière quelques points saillants sur lesquels se pencher pour comprendre […]
    Plus d’infos
    Alexia Psarolis Mars 20, 2024

    Protocole DasArts : les vertus de la critique productive – Entretien avec Mathilde Villeneuve

    Habitué à accueillir les artistes en résidence, le centre d’art Buda, à Courtrai, a mis en place un cadre d’échanges avec les artistes et des groupes de spectateurs et spectatrices-tests. Le protocole DasArts qui sert d’outil garantit un espace sécurisé d’expression et de liberté. Comment les artistes en résidence sont-ils accueillis à Buda ? Buda […]
    Plus d’infos
    0

    Le Panier est vide