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    NDD#88 Gestes littéraires | Entretien avec Mette Edvardsen et Jeroen Peeters

    Propos recueillis par Florent Delval

    La collection Gestures émerge de la réflexion du duo derrière Varamos Press, Mette Edvardsen et Jeroen Peeters, et explore la relation entre danse et texte. La collection propose des textes sous forme de gestes littéraires, ouvrant un dialogue unique entre les langages artistiques et construisant une communauté éditoriale singulière.

    Le début du livre de Jonathan Burrows, que vous avez publié, Writing Dance, reflète sa difficulté à associer la danse aux mots. Est-ce l’inspiration derrière la création de la collection Gestures ?

    Mette Edvardsen : Assurément, la danse est un langage à part entière, lu et vécu différemment des mots. Les réflexions de Jonathan Burrows dans son livre abordent ces questionnements au travers de sa pratique, mais cela ne signifie pas qu’il y ait une opposition stricte. La danse intègre des langages informels.

    Jeroen Peeters : Le langage parlé et écrit a également ses limites. Diverses formes d’expression, telles que les arts visuels, la musique et la littérature, permettent d’élargir l’horizon de ce qui est signifié. La poésie, par exemple, communique entre les lignes.

    Votre nouvelle collection s’appelle Gestures. Suggère-t-elle que le texte peut être un matériau chorégraphique ?

    ME : « Gestures » est d’avantage une réflexion sur le texte et la qualité littéraire de formes « mineures ». Avec Jonathan Burrows, il s’agit de réunir des réflexions sur sa pratique et non pas de créer un matériau chorégraphique. Janne-Camilla Lyster considère l’écriture comme une partition pour la danse. Cependant, ce que nous avons choisi de publier est une série d’essais et non des partitions (Being a chair. Essays on Choreographic Poetry).

    JP : En général, ce sont des gestes de transcription d’un langage informel ou de réflexion sur la pratique mais qui ne sont pas le travail propre des artistes. On offre ces textes aux lecteurs et lectrices et, avec eux, on se demande ce qu’est ce genre de littérature « mineure ».

    ME : Le premier volume de Gestures a fait suite à une série de publications autonomes de Varamos. J’avais le besoin de partager un texte écrit en norvégien (ma langue maternelle) avec Jeroen : And Then Comes the Chorus de Jon Refsdal Moe. J’ai donc dû le traduire. Cela a suscité des questions sur le partage.

    JP : Malgré une certaine hétérogénéité, la cohérence se reflète dans le design unifié de Gestures et le fait que ce soient des expérimentations sur l’essai.

    Cela contraste avec vos formats antérieurs adaptés au contenu. Pourquoi ce changement ?

    ME : Les deux approches se complètent. Les formats uniques peuvent être nécessaires pour certains livres. Par contre, certains textes plus fragiles s’épanouissent en relation avec d’autres, à l’intérieur d’une collection.

    JP : Gestures offre un support pour de courts textes, extraits et fragments, publiés tels quels.

    Chaque proposition est unique : écriture solitaire ou collective, dialogues, images, contexte… Allez-vous poursuivre dans cette voie ?

    ME : Tout en suivant une ligne éditoriale, nous restons ouverts aux surprises. Gestures émerge souvent de nos sollicitations, mais des projets inattendus peuvent aussi s’y intégrer harmonieusement. Le livre de Maria Jerez et Edurne Rubio, une correspondance via Telegram, en est un exemple. Il n’est pas strictement un livre de photographie ; c’est un geste différent qui est plus cohérent avec un petit format.

    JP : Lessons on Gravity d’Anne Juren étaient à l’origine des notes dans un carnet, utilisées pour donner des ateliers. On l’a transcrit, tout en gardant ou pas certaines tournures, notamment en « mauvais anglais ».

    Comment prenez-vous vos décisions éditoriales ?

    ME : Nos choix éditoriaux se font à deux. À chaque opportunité, nous discutons pour avoir une perspective objective et prendre de la distance par rapport à l’excès d’enthousiasme initial.

    JP : Nous guidons aussi les auteurs et autrices dans leurs choix. Par exemple, avec Anne Juren, nous avons imaginé ensemble un livre cohérent à partir de leçons, de poèmes, d’images.

    Vous évoquez souvent la traduction et l’adaptation. En opposition au texte, la danse est-elle plus universelle ?

    JP : Non, la danse dépend du contexte et des relations, et de ce fait des significations se perdent et d’autres s’ouvrent, comme dans tout processus de traduction.

    ME : Les gestes diffèrent selon les cultures. Je préfère l’idée qu’il n’y pas de langage universel et que le sens puisse échapper.

    Vous travaillez avec un cercle proche. Créez-vous l’archive d’une communauté ?

    ME : Une certaine connaissance du travail autorise une relation de confiance et une compréhension mutuelle. Mais c’est aussi important de ne pas publier tous et toutes nos amies. Comme je le disais avant, le fait d’être un binôme permet de mettre un peu de distance. Et puis nous avons nos cercles respectifs, qu’on essaie de faire découvrir l’un à l’autre. Bien sûr, nous explorons un territoire connu, mais nous envisageons d’autres horizons, notamment pour nos prochaines publications.

    JP : Une communauté émerge. Les publications relient textes, auteurs et autrices, lecteurs et lectrices. •

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