NDD#84 – Statut d’artiste : la réforme annoncée
Par Alexandre Pintiaux
Pour rappel, le statut d’artiste ne correspond pas à un véritable statut à part entière. En l’état actuel de la législation, un artiste – comme tout autre travailleur – appartient à l’une des trois catégories de travailleurs suivantes : salariés, indépendants ou (de manière anecdotique) fonctionnaires. Lorsqu’il est actif sous statut salarié, il bénéficie de certaines règles avantageuses en matière d’allocations de chômage en raison de la nature de son travail, ce que l’on a appelé « le statut de l’artiste ». La réforme, tant attendue par les uns et décriée par les autres, fait de la Commission du travail des arts un organe central pour l’accès aux règles spécifiques aux travailleurs des arts (point I), par l’octroi d’attestations tenant compte de la situation des artistes (point II), et dont l’application a des répercussions sur la protection sociale des personnes concernées (point III). La reforme forme donc un tout qu’il convient de décortiquer par étape.
I. Création d’une commission du travail des arts
Le premier élément porte sur la création d’une commission du travail des arts. Celle-ci viendra remplacer l’actuelle Commission Artistes, qui est tenue de délivrer les visas artistes 1, les cartes RPI et des déclarations d’activité indépendante.
La Commission du travail des arts délivrera des « attestations de travailleur des arts ». Son deuxième rôle visera à informer les travailleurs des arts sur leurs droits et obligations en matière de sécurité sociale. Enfin, son dernier rôle sera de traiter les demandes de recours contre ses décisions. 2
Les contacts avec la commission devraient se faire via la plateforme en ligne WITA, acronyme de l’expression « Working In The Arts ». Ce site comportera également un volet informatif que les principaux concernés pourront librement consulter, et au sein duquel la jurisprudence de la commission devrait être visible.
II. Attestations de travailleur des arts
La commission est directement liée à la mise en place d’un régime d’octroi de 3 types d’attestations de travailleur des arts donnant accès aux règles spécifiques du secteur. La portée de chaque attestation diffère, d’où l’importance d’identifier dans quelle situation l’artiste concerné se trouve.
L’attestation de travailleur des arts (« ordinaire ») a pour objectif de confirmer que son titulaire « entre en ligne de compte pour les règles spécifiques applicables aux travailleurs du secteur des arts » 3, c’est-à-dire une activité relevant du domaine des arts audiovisuels ou plastiques, de la musique, de la littérature, du spectacle, du théâtre, de la chorégraphie et de la bande dessinée 4. Cette attestation constitue une clef d’entrée pour l’application des règles propres aux artistes. Un critère financier intervient également puisque le demandeur doit démontrer que ses revenus professionnels et son investissement en temps sont suffisants pour pouvoir assurer une partie de ses frais de subsistance 5 6.
La deuxième attestation, qualifiée de « plus », donne accès aux allocations du travailleur des arts. Elle pourra être obtenue de deux façons : soit sur base d’un octroi automatique, si le travailleur des arts parvient à démontrer un revenu 7 supérieur à 65 400 euros bruts pendant une période de 5 ans précédant la demande 8 ; soit – le plus souvent – sur base d’une analyse au cas par cas. Il faudra alors pouvoir justifier un revenu de 13 546 euros bruts pendant la période de 5 ans précédant la demande initiale ou 5 418 euros bruts pendant la période de 2 ans précédant la demande initiale. Lors du renouvellement, il faudra pouvoir justifier de 4 515 euros bruts obtenus pendant la période de 5 ans précédant la demande ou 2 709 euros bruts pendant la période de 3 ans précédant la demande.9
La réforme prévoit également la mise en place d’une attestation de travailleur des arts « débutant ». Valable 3 ans et non renouvelable, elle a pour objectif d’encourager les artistes qui débutent dans le secteur. Elle pourra être octroyée à l’artiste qui « a obtenu un diplôme de l’enseignement artistique supérieur de plein exercice ou dispose d’une formation ou d’une expérience professionnelle équivalente dans un secteur des arts mentionné dans l’arrêté ». 10 Il devra également être « soit en possession d’un plan de carrière ou d’entreprise, soit en train de suivre une formation qui l’accompagne pour développer un tel plan ». 11 Et enfin, il devra pouvoir prouver qu’il a soit effectué au moins 5 prestations artistiques, soit obtenu un revenu brut de 300 euros au cours de la période de 3 ans précédant la demande.12 Cette attestation permet d’appliquer à son titulaire les règles spécifiques en matière d’allocations de chômage, même s’il ne remplit pas les conditions de l’attestation « plus », qui est par essence réservée à un artiste déjà actif.
III. Allocations du travailleur des arts
Après la réforme, il ne sera plus question d’allocations de chômage combinées à un statut d’artiste, comme c’est le cas actuellement. Il sera question d’ « allocations du travailleur des arts », accordées pour une période de 3 ans sur base d’une procédure en deux étapes. La première étape a été évoquée ci-avant : il faudra obtenir l’attestation de travailleur des arts « plus » ou « débutant » pour revendiquer l’application du régime.
Une seconde étape vise à vérifier si l’artiste concerné justifie de 156 jours de travail salarié sur les 24 mois précédant la demande. La fameuse règle du cachet sera généralisée quel que soit le type de contrat.
IV. Indemnité des arts amateurs
Enfin, le dernier grand élément de nouveauté est le remplacement du régime des petites indemnités (RPI) par le régime des indemnités des arts amateurs, lequel sera réservé uniquement aux… amateurs •
Alexandre Pintiaux est avocat et chargé de cours au sein du master en gestion culturelle à l’Université Libre de Bruxelles (ULB).