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    NDD#87 L’L éditions : la recherche se livre

    Cerebrum, le faiseur de réalités de Yvain Juillard

    Par Alexia Psarolis

    Est-il possible de travailler autrement dans les arts vivants et de mener une recherche sans obligation de résultat ? Affirmatif ! L’L, c’est cette structure singulière qui offre aux artistes volontaires la possibilité de mener une recherche sur un temps long, financée par une bourse. Chercher, oui, mais comment ? « Apprendre en cherchant et chercher en apprenant se conjuguent pour privilégier la nécessité d’une recherche en tant que telle. »

    S’extraire de l’agitation, sortir du système productiviste, prendre le temps, telles sont les conditions d’une recherche en arts vivants telle que L’L la conçoit. On l’aura compris, rien n’égale cette structure atypique où chaque recherche fait l’objet d’un soin particulier. Dans un souci de « partage pollinisateur », L’L développe, depuis 2020, une activité éditoriale afin de « disséminer les effets de telles pratiques et de tisser progressivement ce qui importe dans ces apprentissages et recherches ».

    Éditer autrement

    Atypique, la maison d’édition l’est également de par ses critères de publication : elle n’édite que des ouvrages d’anciens résidents-chercheurs et résidentes-chercheuses à L’L, en lien avec la recherche menée, ou encore des livres liés aux activités de L’L. « Si les traces d’une recherche sont éphémères, les livres, eux, restent », souligne Michèle Braconnier. Et de poursuivre : « Publier est un luxe, il faut qu’il y ait un propos, que cela soit pertinent. Pourquoi convoquer un lecteur ? Est-ce que cela fait sens ? ». Ces questions sont posées en amont au chercheur avant de s’engager dans deux années de travail éditorial, ponctuées d’allers-retours, jusqu’à la finalisation du manuscrit. « On accompagne la création du livre comme on accompagne une recherche, dans un processus similaire sauf qu’ici, il s’agit d’écrit », complète Pierre Boitte, membre de l’équipe éditoriale aux côtés de Michèle Braconnier, d’Olivier Hespel et de Laurence Patteet. Le travail éditorial diffère selon les textes, les collections dans lesquelles ils s’insèrent et leurs spécificités : arts vivants, sciences humaines ou littéraires. L’équipe relit, annote les textes et débat régulièrement (tous les deux mois) avec les résidents-chercheurs devenus auteurs, afin de maintenir un rythme et un cadre. Dans un souci d’exigence vis-à-vis du lecteur, la question centrale qui leur est adressée demeure celle de la transmission, du partage : « que voulez-vous laisser ? ».

    Les collections

    La collection « Traces de recherches », comme son nom l’indique, rassemble des opuscules telles des archives de processus de recherche, des témoignages en mots et/ou en images déposés systématiquement par tous les résidents-chercheurs qui ont cheminé avec L’L. Une tentative de fixer l’insaisissable, de revenir sur leur parcours et de le partager avec la communauté artistique. Toutes ces traces, déjà présentes numériquement sur le site Internet des éditions, sont publiées rétroactivement sous forme de petits livrets, souples et maniables.

    Pour les résidents-chercheurs et résidentes-chercheuses qui en formulent le désir et dont le questionnement nécessite un prolongement, la collection « Questions ouvertes » offre le cadre idoine. Pierre Boitte y signe le premier fascicule d’une série à venir, La singulière aventure de L’L, pour rendre visible l’activité de la structure, dévoiler sa boîte noire en quelque sorte. Le fascicule 2, Expérimenter avec L’L, paraîtra début 2024. Dans cette collection figure également Déclinaisons du quotidien. Mettre le corps au travail, d’Agathe Dumont, « un partage d’expérience de deux artistes-chercheuses, dont la démarche commune a bousculé les rapports au corps, au geste, à la pensée et à la recherche. Un cheminement qui les a amenées à traverser le quotidien pour mettre en jeu et interroger leurs propres pratiques artistiques et réflexives ». La collection « Déambulations chercheuses » ouvre son espace aux trajets expérimentaux qui se sont déployés à L’L et leur permettent de poursuivre autrement leur chemin, sur papier cette fois. Ainsi, l’auteur et metteur en scène Ludovic Drouet, avec Derrière l’hôtel et autres récits, « cherche à interroger la poésie sous-jacente aux états que l’on qualifie de limites ». Enfin, « Voies créatives » rassemble des ouvrages de résidents-chercheurs et de résidentes-chercheuses qui, après avoir quitté L’L, prolongent leur questionnement de manière autonome et aboutissent à la création d’une œuvre. C’est le cas notamment d’Yvain Juillard, qui inaugure la collection avec Cerebrum, le faiseur de réalités, une conférence-spectacle qui plonge le lecteur dans le présent d’une représentation, où s’entremêlent histoires, réflexions et expérimentations ludiques.

    Aussi singulières soient-elles, de par leur philosophie et leur rythmicité, les éditions de L’L ne s’insèrent pas moins dans le paysage éditorial traditionnel. Conçus graphiquement par Colin Junius, les livres, tirés entre 500 et 2 000 exemplaires, sont en vente sur le site de L’L ou en librairies, diffusés et distribués par Esperluète. Quels sont ses destinataires ? Les quatre collections visent différents publics, enseignants, artistes, « la communauté des arts vivants, des sciences humaines et au-delà, complète Pierre Boitte. À l’étranger, les chercheurs sont nos meilleurs ambassadeurs » •

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