Nathalie Debusschere
Mère et artiste
Le secteur culturel n’échappe pas aux inégalités de genre. En matière de parentalité, ce sont bien les mères, dans le cas d’un couple hétérosexuel, qui vont subir la charge parentale. Les chercheuses L.Hanquinet et C.Mascia se sont penchées en 2024 sur cette questionau sein de l’enquête Inequal Arts. Un constat en ressort : les femmes quittent la carrière artistique plus tôt que les hommes.
Quatre fédérations professionnelles des arts de la scène, dont la Fédération de la danse, ont rédigé en 2024 un mémorandum sur la parentalité. Le but de ce mémorandum : identifier les inégalités en la matière et proposer des pratiques plus inclusives pour y remédier.
Outre les spécificités propres au spectacle vivant (horaires en soirée qui impliquent une garde d’enfant, insécurité des rémunérations liée à l’intermittence des contrats, déplacements fréquents…) s’ajoute un indéniable rapport au corps au sein des arts de la scène, qui va exercer une forte pression sur les corps féminins et sur la carrière des mères artistes.
En effet, en plus de l’intensité du travail physique de l’artiste chorégraphe, la femme « en âge de procréer » pourra subir une discrimination à l’embauche lors d’auditions vu son « risque » de tomber enceinte, ce qui impliquerait de devoir la remplacer lors de la création ou des tournées. Cette « indisponibilité corporelle » liée à la grossesse va naturellement pénaliser les femmes dont la parentalité est visible, contrairement à celle des hommes.
Les entretiens menés lors de l’étude Inequal Arts ont ensuite révélé que les femmes ont tendance à s’effacer au profit de leur conjoint masculin, le cas échéant, si celui-ci est aussi artiste, lui permettant ainsi de faire fleurir sa carrière artistique, à défaut de la leur.
Enfin, l’inconscient patriarcal agit ici aussi : un « bon artiste » devrait être dévoué à son art, porté par le sacrifice et le don de soi. Les femmes, une fois devenues mères, échapperaient à cette capacité à être « une bonne artiste », car, désormais, dévouées à leur enfant. La société fera alors peser une double culpabilité sur les femmes : comment être une bonne mère en étant sur scène, et comment être une bonne artiste en étant aux côtés de son enfant ?
Pour ces diverses raisons, la maternité est perçue comme un seuil d’élimination de la carrière artistique (J. Mazzocchetti, 2023). À la suite de ces constats, le mémorandum sur la parentalité en arts de la scène émet quelques recommandations à destination des politiques, entre autres :
— La création d’un observatoire des parentalités au sein de l’Observatoire des politiques culturelles, pour documenter les exclusions et freins auxquels sont confrontés les parents dans leur carrière en arts de la scène ;
— L’adaptation des budgets dans le cadre de subventions pour intégrer le financement de besoins parentaux (déplacements, frais de baby-sitting,
adaptation de costumes…) ;
— L’assouplissement des calendriers des aides à la reprise, afin de garantir la continuité des projets de création et de diffusion de spectacles, permettant le remplacement des travailleuses et travailleurs indisponibles pour raisons parentales.
Bien sûr, il existe aussi des pères artistes, parfois pères solo, qui rencontrent également des difficultés liées à la précarité de leur situation, mais nous souhaitions mettre en exergue ici les inégalités subies par les femmes.
Nathalie Debusschere est coordinatrice de la RAC. L’intégralité du mémorandum se trouve sur le site du Réseau des arts chorégraphiques.
