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    « Les danseurs me manquent » – Entretien avec Louise Vanneste

    Propos recueillis par Alexia Psarolis

     

    Comment l’artiste chorégraphique vit-il ce confinement ? Cette question, nous l’avons posée à Louise Vanneste, tout juste remise d’un virus non identifié et de la fatigue qu’il a suscitée. Par écrans interposés, elle a accepté de répondre à nos questions, avec toute l’humilité qui la caractérise.

     

     

    En tant que danseuse-chorégraphe, comment vis-tu ce confinement ? Celui-ci a-t-il un impact direct sur ton travail ?

     

    Des activités étaient prévues qui ont dues être annulées, nous devions jouer à Liège, un projet devait prendre forme à Amsterdam en mai-juin, des collaborations avec Charleroi… mais le plus important reste que l’on peut continuer – enfin, je l’espère – à rémunérer les danseurs et les collaborateurs, c’est ce qui représentait une de mes grandes inquiétudes. Je peux continuer à travailler, j’ai ce temps qui m’est si précieux de réflexion, de lecture, de prises de notes, même si, avec les enfants, cela n’est pas toujours facile à gérer. Les danseurs me manquent, je me rends compte à quel point c’est précieux et j’aime travailler en collaboration avec des danseurs, des performeurs, d’autres corps.

     

    Lectrice assidue, profites-tu de ce temps pour te ressourcer dans les livres ? Demeures-tu créative autrement ?

     

    Oui et non. Je n’ai pas pu participer au festival « Corps de texte » à Liège où l’on présentait Clairière, un duo avec Youness Khoukhou, et où je devais parler de littérature mais j’ai finalement écrit un texte. J’ai ce temps mais je trouve qu’il est plus difficile de se concentrer sur la durée, mes enfants sont là, je sens leur présence, il existe une activité autour de moi sans la scission entre famille et travail. Mais je m’adapte petit à petit et la lecture revient. Il s’agit d’un temps où la littérature et la pensée chorégraphique flottent en moi d’une certaine manière, dans une sorte de respiration intérieure, cela est agréable. Et l’activité continue par ailleurs, j’ai remis des dossiers, des projets…

     

    Dans un futur proche, penses-tu que cette crise sanitaire aura un impact sur ton activité en tant que chorégraphe ?

     

    Oui, cela fait réfléchir. Je me sens dans un confinement de luxe, j’ai un jardin, de l’espace, des proches avec qui je suis bien… J’avais déjà conscience de cela avant, je me sens privilégiée et je souhaite que cette chance puisse être partagée par plus de personnes. Cette question des inégalités est très présente pour moi maintenant. Le rapport à l’écologie également. J’avais déjà lu sur cette question, ce que je continue de faire. Bruno Latour a écrit un texte à la fin duquel il propose des questions : qu’est-ce qui nous manque ? Qu’est-ce qui est absent et qui, à nos yeux, ne devrait pas réapparaître ? Il s’agit de questions assez simples auxquelles je me suis attelée à répondre le plus honnêtement possible… et les réponses ne sont pas si simples. Sans aucune prétention, je m’interrogeais déjà avant cette crise en lien avec le prochain projet que j’initie, relié à la façon de penser ma pratique et de la manière dont j’investis la vie, tout simplement.

     

    Quels changements souhaites-tu opérer dans ta pratique ?

     

    Au-delà du travail au plateau que je souhaite poursuivre, je veux continuer à m’intéresser aux enjeux purement chorégraphiques avec une pièce de groupe. J’aimerais également travailler « in situ », d’être à l’extérieur ou dans des espaces existants, de m’adapter…

     

    Pour des raisons écologiques ?

     

    Très certainement. Je travaille depuis 2017 sur la littérature et depuis 2018, sur la nature avec laquelle j’ai toujours eu un lien très fort. Je lis beaucoup sur le monde végétal. Les raisons sont probablement écologiques mais ce n’est pas pour autant que je renie le plateau ; je ne pense pas que l’on doive quitter les théâtres, c’est très important de le dire. Où l’art peut-il exister ? Où la vitalité d’un corps dansant peut-elle exister ? Ces questions ne m’ont jamais quittée, elles se sont sans doute intensifiées aujourd’hui.

     

    POUR ALLER PLUS LOIN

    Envie de lire un autre entretien de la chorégraphe Louise Vanneste? Jetez un oeil au dossier danse et littérature du journal Nouvelles de danse n°70.

     

     

    Un entretien mené dans le cadre du projet Chroniques de la danse en suspens.

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